MÉTROPOLE : LA MAJORITÉ EXPLOSE EN PLEIN VOL
Ce vendredi, le dernier conseil métropolitain avant l'été a atteint le paroxysme du pathétique. De 10h à plus de 18h, pas une seule délibération n'a traité des problématiques des habitants et de la Métropole. Tous les débats avaient trait à des règlements de compte au sein de la majorité Piolle / Ferrari, qui a explosé publiquement en vol.
TOUT COMMENÇAIT POURTANT BIEN
Une fois n'est pas coutume, le conseil démarrait dans une ambiance légère. La Métropole a accueilli et mis à l'honneur les jeunes du territoire ayant participé aux Global Games à Vichy (jeux multisports pour les sportifs atteints d'un handicap mental). Et le Président Christophe Ferrari a annoncé que la création d'un fonds de solidarité pour les commerçants touchés par les émeutes, demandée par Alain Carignon, était bien ajoutée à l'ordre du jour du conseil.
UN ÉLU DE MOINS POUR LE GROUPE FERRARI
Les choses se sont vite gâtées. Première secousse pour la majorité : le Président Christophe Ferrari a annoncé le départ d'Hosny Ben Redjeb du groupe socialiste et apparentés (son propre groupe). Dans le Dauphiné d'hier, celui-ci explique en effet que quitter le groupe est pour lui une "décision indispensable à ma liberté d'expression, de proposition et d'action". Il dénonce le fait que "le groupe du Président" se voit comme un "club select". Et marque son désaccord avec la ZFE ou encore avec le projet de planétarium à Pont-de-Claix, pour un montant faramineux. Voilà pour la mise en bouche de ce conseil.
LES HOSTILITÉS COMMENCENT AVEC LA CHARTE DÉONTOLOGIE
La débandade a commencé à montrer son nez avec la première délibération, qui proposait d'adopter une charte déontologique pour les élus. Une supercherie qui vise à jouer à qui lave plus blanc que blanc dans une majorité où tant le Président qu'Eric Piolle sont cernés par les affaires ! De premiers échanges tendus ont eu lieu, avec notamment Nicolas Kada (adjoint à Grenoble, Verts/LFI) qui a vertement critiqué le projet de charte de Ferrari en ce qu'il ne serait pas assez précis (on aimerait qu'il soit aussi pointilleux quand il s'agit des problèmes judiciaires d'Eric Piolle).
ALAIN CARIGNON : "UN CONTREFEU GROSSIER"
Le Président du groupe d'opposition Alain Carignon a dénoncé "un contrefeu grossier" qui ne permet en rien à la métropole d'avancer. Et il a relevé une phrase particulièrement problématique dans cette charte : "je m’abstiens de diffuser sur internet (blog ou réseaux sociaux), par publication personnelle ou par retransmission de publication de tiers, des propos susceptibles de nuire à l’image de Grenoble-Alpes Métropole". Soit une porte ouverte au refus de la moindre critique sur le fonctionnement de la métro. On retrouve le même mécanisme qu'avec ceux qui parlent de Grenoble bashing pour tenter de museler les oppositions : on tente sciemment de confondre image de l'institution et action politique d'un exécutif pour censurer toute expression. Suivant leur propre raisonnement, les Verts/LFI, lorsqu'ils critiquent le Gouvernement, feraient donc du "France Bashing" et nuiraient à l'image du pays !
RETRAIT DES FONCTIONS DE VICE-PRÉSIDENT : LE DÉBUT DE LA FIN
Mais le point culminant de ce conseil a été l'examen de la délibération suivante : celle prévue pour retirer les fonctions de Vice-Président à Lionel Coiffard (EELV, groupe Piolle) conformément à ce qu'avait annoncé Christophe Ferrari qui, en application de la règle proportionnelle au sein de la majorit, souhaitait retirer une Vice-Présidence au groupe Verts/LFI qui a perdu de nombreux membres. D'emblée, Anne-Sophie Olmos (EELV, groupe Piolle) a demandé un vote à bulletins secrets. Puis les échanges ont duré des heures, commençant par le principal intéressé qui a parlé de "chantage médiocre du président pour désigner une victime". Ambiance.
ERIC PIOLLE : "TIR AUX PIGEONS, REPRÉSAILLES ET ARBITRAIRE"...
Eric Piolle a enchainé par une très longue intervention. Sur un ton très léger, il est revenu sur les tensions depuis 2020. Mais pour nier que ce serait une "bataille de coqs" et pour réfuter tout problème personnel (ça ne vaut pas grand chose puisqu'il va devant les tribunaux même avec ses amis...). Il est revenu sur ses attaques concernant le cumul de Christophe Ferrari et son indemnités (ça ne l'avait pourtant pas gêné au temps des amours entre 2014 et 2020). Il a ensuite évidemment dénoncé le retrait de délégation, parlant de "questions de postes et de tambouilles" (la faute à qui ?) et un épisode qui n'est "pas bon pour notre territoire" (encore une fois, la faute à qui ?). "Nous subissons un tir aux pigeons, des représailles et de l'arbitraire" a encore osé avancer le Maire de Grenoble : on voit souvent chez les autres nos propres défauts et pratiques condamnables.
... MAIS IL NE VEUT PAS QUITTER LA MAJORITÉ !
Tout ça pour... annoncer que les Verts/LFi ne veulent pas quitter la majorité, car ils souhaitent "rester pour discuter" et "influencer les politiques métropolitaines" ! Le fonctionnement de la métropole est au point mort par leur faute, mais ils souhaitent continuer les dégâts pendant trois ans pour essorer Christophe Ferrari jusqu'à plus soif.
LA MAJORITÉ SE DIVISE
Les prises de paroles se sont enchainées. Les représentants du groupe Verts/LFi ont été nombreux à monter au créneau pour défendre leur collègue et pour critiquer Ferrari. Les communistes ont annoncé qu'ils ne voteraient pas non plus cette délibération. La majorité a, une fois de plus, laissé se développer ses divisions au grand jour.
ALAIN CARIGNON : "J'ACCUSE ERIC PIOLLE D'AVOIR INSTAURÉ UN CLIMAT DE VIOLENCE"
Alain Carignon est longuement revenu sur ces guéguerres qui minent la métropole, et notamment le comportement d'Eric Piolle qui "use d'un ton badin pour dire des méchancetés et solder de fait l'existence de la majorité actuelle tout en annonçant qu'il y demeurerait ce qui est un fonctionnement très 4ème République". "J’accuse Eric Piolle d’avoir instauré un climat de violence dans les rapports politiques, d’avoir perpétuellement fait dégénérer le débat public contre les personnes, d’avoir voulu disqualifier en permanence tout ce qui ne pensait pas comme lui, ses adversaires bien sûr mais ses alliés et soutiens (...) Aujourd'hui ce rafistolage n’est pas à la hauteur de notre territoire. Nos concitoyens ont besoin de vérité, d’efficacité, ils sont las que vous théorisiez tous ensemble l’immobilisme de l’action publique en le camouflant dans des investissements publics qui ne résolvent rien (...) Tirez les conséquences de la situation et de ce que vous avez vécu et constaté et définissez les conditions d’un nouveau départ. Vous répondrez aux attentes des habitants qui nous ont élu".
LE COMPORTEMENT DES VERTS/LFI INSUPPORTE TOUS LES BANCS
Sur tous les bancs, le comportement du clan Piolle a été vivement dénoncé. Anahide Mardirossian (Adjointe au Maire de Saint-Martin-le-Vinoux, groupe des petites communes) a expliqué qu'il était temps d'avoir un débat plus serein et que "le conseil métropolitain n'est pas là pour écouter des récits personnels". Dominique Escaron (Maire du Sappey, droite et centre) a été plus virulent : "cette thérapie de groupe me fait un peu de la peine. Et il reste 3 ans, gardez des forces, je compte sur vous pour poursuivre ce spectacle relativement pitoyable et ce rafistolage qui manifestement ne fonctionne plus". Nicolas Pinel (groupe d'opposition) a souligné que "Eric Piolle est disqualifié pour parler de démocratie interne vu ce qu'il fait à Grenoble" et a appelé à mettre fin à cette tragédie en assumant qu'il faut désormais une majorité de territoire pour redresser la métro. Mélina Herenger (élue à Meylan, socialiste) est sortie de ses gonds, expliquant qu'il est "insupportable de subir ces attaques dans la presse et d'arriver en conseil la boule au ventre". Et elle a été très claire quand au fait de garder ou non les Verts/LFi dans la majorité : "là, vous nous faites l’honneur de rester dans la majorité sans demander si on veut vous garder. À titre personnel, je ne souhaite pas que l’on continue trois ans comme ça".
LA DÉLIBÉRATION REJETÉE !
Après quelques suspensions de séance, en début d'après-midi, les conseillers métropolitains sont enfin passés au vote. Celui-ci a eu lieu à bulletins secrets. Et surprise : le retrait des fonctions de Vice-Président de Lionel Coiffard a été rejeté par 62 votes contre (seulement 53 pour). Un coup de tonnerre qui s'explique par deux raisons : outre les Verts/LFI et les communistes, des socialistes et apparentés grenoblois ont voté contre pour éviter l'élection de Cécile Cénatiempo (PS, élue à Grenoble) comme nouvelle Vice-Présidente, ce qui leur ferait de l'ombre ; et les oppositions ont joué les arbitres dans ce match. Le groupe Piolle, qui avait tant décrié l'élection de Ferrari par des voix de l'opposition en 2020, a donc vu son Vice-Président sauvé par la même opposition : curieusement, on les entendait moins condamner ces voix hier.
LE CHOC POUR FERRARI...
Le choc a été brutal pour Christophe Ferrari, qui ne s'y attendait pas. Livide, il a annoncé la pause-déjeuner. L'épisode a confirmé que son exécutif est un attelage impossible à tenir, miné par la fracture avec le groupe Piolle, et tenu en otage par les voix venues des groupes d'opposition pour nombre de sujets. Même Jean-Benoit Vigny, du Dauphiné Libéré, parle dans son article du jour "d'épisode en tout point hallucinant" et de "majorité en lambeaux".
... ET LA DOUBLE DÉFAITE DE CÉCILE CÉNATIEMPO
Cécile Cénatiempo (PS) est l'autre grande perdante du rejet de cette délibération. À double-titre : elle ne deviendra pas Vice-Présidente, notamment parce que certains de ses "camarades" de la majorité socialiste ont voté contre pour empêcher qu'elle soit trop mise en avant en vue des municipales à Grenoble ; et elle s'est mise au ban du PS, qu'elle a trahi pour soutenir l'initiative dissidente de Christophe Ferrari aux sénatoriales... en échange d'une Vice-Présidence qu'elle n'a pas eu ! La défaite est salée et elle aussi a tiré une mine d'enterrement tout le reste de la journée : ce qu'elle voyait comme une rampe de lancement pour les élections de 2026 s'est effondré en l'espace d'un seul vote.
APRÈS LA PAUSE-DÉJEUNER, REPRISE DES HOSTILITÉS
Après une pause-déjeuner, les hostilités ont repris avec l'examen de délibérations concernant les représentants métropolitains dans différentes instances (Agence d'urbanisme, SMMAG, SCOT...). Les tensions de la matinée étaient loin d'être apaisées puisque là encore, le groupe Verts/LFI a refusé de voter ces délibérations et a demandé leur report, occasionnant de nouveaux débats très longs et plusieurs suspensions de séance. Le groupe Piolle se considère en effet sous-représenté dans ces instances, point de vue que ne partage pas Christophe Ferrari qui leur a rappelé qu'appliquer une proportionnelle intégrale pour la majorité au sein des instances reviendrait à priver les oppositions de représentations. Mais les verts/LFI n'en ont pas démordu.
MULTIPLES SUSPENSIONS ET CONSEIL QUI PATINE
Après de multiples suspensions, le conseil métropolitain a enfin pu passer au vote et élire les nouveaux représentants. Sans le groupe Verts/LFI, qui avait décidé de ne pas y participer pour marquer son désaccord. Et comme il était déjà 18h, face à un conseil qui avait patiné toute la journée, Christophe Ferrari a également annoncé que, passée la délibération de soutien aux commerçants, le reste de l'ordre du jour serait débattu au cours d'un prochain conseil exceptionnellement reconvoqué...
A. CARIGNON DEMANDE LA DÉMISSION DE L'EXÉCUTIF
De nombreux groupes d'opposition ont fait savoir leur exaspération devant ce nouvel épisode de guerres intestines pitoyables qui paralyse toute la métro. Alain Carignon a pointé qu'on retrouvait là l'ambiance de juillet 2020, quand Christophe Ferrari avait été élu Président au bout de la nuit après des heures de tractations et d'arrangements, avec les tensions qui vont avec et suspensions de séance sur suspensions de séance. Il a rappelé que les Verts/LFI reprochaient à Ferrari d'avoir été élu avec des voix en dehors de la majorité à l'époque ; et qu'aujourd'hui, leur Vice-Président était sauvé grâce à ces mêmes voix. Et a appelé l'exécutif à en tirer les conséquences et à remettre sa démission collective pour repartir sur des bases saines.
COMMERCE : LE FONDS DE SOLIDARITÉ ADOPTÉ
La dernière délibération étudiée hier a tout de même été plus consensuelle et adoptée à l'unanimité, fort heureusement. Il s'agissait du fonds de solidarité pour les commerçants réclamé dès samedi dernier par le groupe d'opposition d'Alain Carignon. La métropole aidera financièrement les commerces indépendants et franchisés touchés par les émeutes en leur accordant une aide pour les dégradations qu'ils ont subi pour leurs vitrines et façades. Le dispositif sera en ligne dès la semaine prochaine et les commerçants pourront faire leur demande jusqu'à cet automne.
LA VILLE "ÉTUDIE LA POSSIBILITÉ"
Tout le monde s'est félicité de ce dispositif. Y compris les élus de la ville de Grenoble, à qui Alain Carignon avait également demandé d'abonder. Ceux-ci, toujours aussi lents en comparaison de la Région qui a d'ores et déjà annoncé 15 millions d'euros pour les commerçants touchés, n'ont encore rien décidé. Alan Confesson a tout juste annoncé que la ville "étudie la possibilité". Quelle réactivité face à l'enjeu.
A. CARIGNON REND HOMMAGE AUX COMMERCANTS
Le Président du groupe d'opposition s'est félicité de cette unanimité et du fait que les collectivités (métro, région) s'organisent. Il a rappelé la nécessité d'aider le commerce grenoblois, déjà en difficultés du fait du manque d'accessibilité de la ville (prix du stationnement, manque de place..) et de son manque d'attractivité (malpropreté, insécurité...). Et il a rendu un hommage très appuyé aux commerçants, traumatisés par cette épreuve.
3 ANS APRÈS : RETOUR À LA CASE DÉPART
Le reste des délibérations sera étudié mercredi à l'occasion d'un conseil métropolitain exceptionnel reconvoqué par Christophe Ferrari. Celui d'hier s'est donc terminé après la mise en débat de... 3 délibérations. L'ambiance métropolitaine en ce mois de juillet 2023 renvoie à un triste épisode, pile 3 ans plus tôt : celui de l'élection du Président par un mois de juillet 2020 bouillant. Déjà la rivalité Ferrari / Piolle (qui tentait d'imposer comme candidat Yann Mongaburu) se révélait au grand jour et donnait lieu à une foire d'empoigne interminable et de nombreuses suspensions de séance. Ferrari l'avait emporté mais ça n'avait rien réglé : après trois ans de tensions, de disputes, de dissensions au sein de la majorité y compris sur les sujets majeurs, celle-ci explose en plein vol. Nous sommes pile à la mi-mandat : la métropole ne pourra pas continuer à fonctionner ainsi trois ans de plus. Car pendant ce temps, les habitants paient l'immobilisme de l'institution paralysée par ces querelles politiciennes.
L’absence de leardership et de bons projets de Mr Ferrari n’arrange pas la situation.