VILLENEUVE : « CHANTIER DU SIÈCLE » OU GRAND GÂCHIS ?

La réhabilitation de la Villeneuve est régulièrement vantée comme étant "le chantier du siècle" par les élus de la majorité Piolliste. À quoi peut-on réellement s'attendre ?

LE "CHANTIER DU SIÈCLE" PROGRAMMÉ POUR LE PROCHAIN MANDAT

Dans une interview au site actu.fr, l'adjointe de secteur Chloé Pantel (Verts/LFI) confirme que le chantier initié au premier mandat, qui consiste principalement en des rénovations de logement, est programmé pour se terminer en 2030. « L’essentiel des aménagements seront terminés pour 2027-2028 » explique-t-elle : on retrouve là la technique municipale consistant à faire beaucoup de comm' autour d'une annonce, et à repousser les résultats escomptés à après les élections.

La restructuration du quartier ne séduit pas tout le monde...

LOGEMENTS : ENCORE ET TOUJOURS DES LOGEMENTS SOCIAUX...

Concrètement, la ville explique à actu.fr que l'opération consiste à réhabiliter 2400 logements sociaux et en résidentialiser 1300 (c'est à dire qu'ils seront transformés en résidences, mais n'en restent pas moins des logements sociaux). 455 seront démolis... mais en contrepartie, 521 sont reconstruits ailleurs. À Lesdiguières par exemple, avec une opération de 100 logements sociaux juste à côté du stade

À Lesdiguières, à la place de La Bodega utilisée par le rugby et pour de nombreuses réunions, 100 logements sociaux transférés de la Villeneuve vont voir le jour.

RIEN NE CHANGE DERRIÈRE LES FACADES

Rien qui modifiera fondamentalement la vie à la Villeneuve donc. Car derrière les rénovations, rien ne changera pour la situation des habitants. Toujours aucune volonté de favoriser l'accession sociale pour créer une nouvelle classe de propriétaires qui rééquilibre le quartier, et aucune volonté d'installer des bureaux de la collectivité pour créer une mixité d'usage et tirer le secteur vers le haut.

LE PROJET MUNICIPAL : "DES APPARTEMENTS RÉNOVÉS"

"On prépare l’avenir avec des appartements rénovés" : Chloé Pantel résume à merveille la vision municipale, qui ne s'attaque qu'au bâti en pensant (ou en faisant mine de penser) qu'un ripolinage des logements résoudra les problèmes de fond. L'avenir qu'ils nous préparent ne différera donc en rien du présent : il n'enrayera pas la paupérisation, le recul des services, la hausse des incivilités.

"ILS ONT TUÉ LE COMMERCE À LA VILLENEUVE"

La situation commerciale illustre bien la dégringolade. Le gérant du tabac de l'Arlequin, l'un des derniers commerces du quartier qui a fermé récemment, expliquait au Dauphiné Libéré (26/06/23) : « Nous n’avons pas été concertés. (...) Et c’est trop long, tous les locaux commerciaux ont été détruits, mais rien n’est construit. Les gens qui avaient l’habitude de faire leurs achats ici ne viennent plus. Ils ont tué le commerce à la Villeneuve ». "Ils ont laissé le quartier à l'abandon", abondait le propriétaire du Taxiphone.

commerce grenoble
Après la boulangerie, le bureau de tabac galerie de l'Arlequin a aussi jeté l'éponge.

"UNE NOTION SUBJECTIVE" POUR CHLOÉ PANTEL...

"Ce n'est pas notre faute" se défend Chloé Pantel sur actu.fr malgré cette mise en cause de sa majorité tout à fait claire. Le manque de commerce ? "Une notion subjective" ose-t-elle également. Et d'annoncer pompeusement l'ouverture de 3 commerces : "l'arbre fruité" (une structure solidaire déjà présente depuis... 1993 à la Villeneuve : rien de neuf donc) et une boulangerie qui serait sur le point de s'installer après avoir été annoncée pour début 2023 (la dernière a fermé depuis trois ans). "Nous réfléchissons à donner la priorité sur un commerce de services ou de bouches pour le troisième" conclut-elle : il faut comprendre que rien n'est encore prévu. 

5 MILLIONS POUR UN SEUL NOUVEAU COMMERCE ?

Comme le rappelait "Le Crieur de la Villeneuve" (média participatif du quartier), les locaux commerciaux prévus par la ville dans le cadre de la rénovation du quartier devaient à l'origine coûter 2,7 millions d'euros pour 5 commerces. Ils auront finalement coûté 5 millions d'euros pour trois commerces annoncés, et à ce jour un seul de réellement nouveau et certain de s'installer (la boulangerie). Encore un bel exemple d'utilisation de l'argent public par nos phares de l'humanité municipaux et métropolitains... 

PROJET DE LAC : LES HABITANTS S'EXPRIMENT CONTRE...

Autre projet de réaménagement : la coûteuse fermeture du lac de la Villeneuve pour en faire un plan d'eau. 4,2 millions d'euros prévus pour une idée massivement rejetée par les habitants (qui déplorent des risques de sécurité et une moindre liberté). Une pétition en ligne d'opposants récolte déjà 1300 signatures, et une récente concertation qui a vu des centaines d'habitants voter est on ne peut plus clair : 14% de favorables au projet, 57% de défavorables... 

L'actuel bassin de Villeneuve (à droite), parfois à sec mais vanté sur les panneaux de com' de la ville à la gare (à gauche)...

... MAIS CHLOÉ PANTEL EXPLIQUE QU'ILS SONT EN FAIT POUR !

Chloé Pantel a beau jeu d'affirmer à actu.fr que « pour chaque projet, une concertation est organisée. C’est notamment le cas pour le lac ». Car dans le même temps, la "lettre du lac" n°5 (lettre d'infos du collectif opposé au projet) révèle les propos qu'elle a tenu lors d'une récente réunion : "pour cette élue, même si une majorité d’habitants a exprimé un avis CONTRE le projet, elle sait qu’en réalité les habitants sont POUR le projet ! Car selon son expérience passée, ceux qui ne se sont pas exprimés sont favorables !".

LA FUMISTERIE DES CONCERTATIONS

Au cas où certains avaient encore des doutes sur le peu de crédit qu'accordent ces tartuffes à l'expression des Grenoblois, voilà qui devrait les dissiper. Malgré leurs discours dithyrambiques sur la participation citoyenne, les Rouges/Verts n'acceptent rien qui remette en cause les projets qu'ils inventent. Pas un quartier n'est épargné (autre exemple récent, la place de Metz / Rue de Strasbourg devrait aussi faire les frais d'un projet imposé malgré l'opposition forte des habitants et commerçants). 

FRICHE DES IRIS : LA VILLE SE DÉLESTE DE SES RESPONSABILITÉS

Autre symptôme de la dégringolade du quartier : la fermeture de la piscine des Iris en 2015. Plutôt que d'assurer la réouverture de cet espace de fraicheur, la majorité municipale a laissé l'équipement se dégrader en friche... puis refourgué le bébé à un collectif d'habitantes, certes très motivées pour en faire un "espace de bien-être", mais qui auront toutes les peines du monde à réunir les millions d'euros nécessaires aux travaux. Une nouvelle manière pour les élus de se décharger de leurs responsabilités sur les habitants. 

La piscine des Iris a été laissée à l'état de friche depuis 2015.

60 MILLIONS D'EUROS ENGAGÉS PAR LA VILLE...

258 millions d'euros d'argent public sont consacrés aux travaux de la Villeneuve. Dont 60 millions de la seule ville de Grenoble (soit un an et demi de ce que rapporte la hausse d'impôts astronomique en recettes). La pertinence de l'allocation de tant de moyens se pose, quand on se remémore le peu de résultats avec l'argent jeté par les fenêtres. En 2021 par exemple, ville et métro avaient ainsi lancé une étude à 1,6 millions d'euros pour le réaménagement du parc (loin d'être une priorité)... alors que des centaines de milliers d'euros avaient été investis dans une étude similaire quelques années plus tôt. 

PRÉVENTION, PROPRETÉ, SÉCURITÉ : LES ANGLES MORTS

Pendant qu'on consacre de l'argent à des études, le quartier régulièrement soumis aux dépôts sauvages, poubelles qui débordent, dégradations en tout genre ne sera pas plus propre et entretenu. Les trafiquants de drogue qui occupent l'espace public ne seront pas délogés. Le tissu socioculturel et associatif ne se portera pas mieux : dans sa volonté de tout contrôler, la ville a repris en main l'association La Cordée, et le collectif Villeneuve Debout emmené par Alain Manac'h (un proche des Verts) a décidé d'une année blanche en 2024 car l'association "souffre d’un manque de reconnaissance de la part de la Ville de Grenoble"...

RIEN QUI INVERSERA LA VAPEUR

Finalement, tout ça pour quoi ? Pour des rénovations de façade, d'ailleurs vite dégradées. Les problèmes de la vie quotidienne ne seront pas résolus tant que le paradigme de la densification à outrance, mère de tous les maux, et de l'accumulation de logements sociaux (dans une ville qui atteint déjà les 25% imposés par la loi) n'est pas remis en question. Le "chantier du siècle" cumule tous les signaux d'un énorme gâchis. Dans quelques années, le bilan de ce qui apparaitra plutôt comme "l'occasion manquée du siècle" risque d'avoir une saveur amère. 

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