PATRIMOINE DE GRENOBLE : LES ASSOCIATIONS DÉCRÈTENT « L’ÉTAT D’URGENCE »

Dans le Dauphiné Libéré d'avant-hier, les associations spécialisées décrètent "l'état d'urgence patrimonial" pour Grenoble. On ne peut que leur donner raison.

LA CHAPELLE DES PÉNITENTS ET SON "DÉLABREMENT AVANCÉ"

Clément Berthet, journaliste du Dauphiné Libéré, rend ainsi compte d'une visite à la chapelle des pénitents située 17 rue Voltaire, magnifique mais "dans un état de délabrement avancé." Une partie du mobilier est même classée monuments historiques et bénéficie donc d'une protection particulière.

L'entrée de la chapelle des pénitents.

LA MUNICIPALITÉ COMPTE S'EN DÉBARRASSER

Sauf que la municipalité ne l'entretient plus et n'a même pas pu l'ouvrir au public lors des journées du patrimoine. Elle veut donc s'en débarrasser. Il y a quelques semaines, nous dévoilions que la chapelle figure sur la liste des biens que la ville entend céder, dans la panique la plus totale et sans aucune stratégie, pour renflouer un peu les caisses vides de la ville. Evidemment sans consulter ni le conseil municipal, ni les associations spécialisées. 

patrimoine grenoble
L'intérieur de la chapelle.

UN "APPEL À PROJET" POUR SE DÉLESTER DU DOSSIER

Plutôt qu'un appel d'offres ouvert, avec de vrais attendus et une mise en concurrence, la majorité municipale utilise "l'appel à projet". C'est à dire qu'il n'y a pas vraiment de critères, lui permettant de choisir un peu qui elle veut. Mais l'adjointe à l'urbanisme Margot Belair (Verts/LFI) explique tout de même qu'il faudra que le porteur de projet réhabilite les lieux... en avouant qu'elle n'a pas la moindre idée du montant des travaux car la ville n'a évidemment procédé à aucune estimation ! On souhaite bien du courage aux éventuels investisseurs, qui devront en outre veiller à préserver le mobilier classé, et on se demande quelle pourra être leur projet pour un lieu aussi spécifique. 

"GREN' DE PROJET" : ÉCHEC CUISANT

L'initiative "Gren' de Projet" lancée en 2018 illustre parfaitement les travers de cette gestion hors-sol des appels à projet. En six années, un seul d'entre eux, celui du couvent des Minimes, a pu voir le jour. Les autres projets sont repoussés, faute de financements. Un échec symbolique d'une politique patrimoniale en décalage avec les besoins réels. Pas de quoi gêner Claus Habfast (Verts/LFI), conseiller municipal délégué à la montagne, à la Tour Perret et à la Bastille (!), qui se félicite de ce plantage : "nous avons été innovants et en rupture avec tout ce qui s’est fait par le passé". Quel succès !

L'orangerie tombe en décrépitude. Un projet est annoncé en grande pompe comme imminent depuis... 2018. Désormais on nous parle de 2024. En réalité rien n'a encore vu le jour car "gren' de projet" se trouve confronté aux problèmes de financements des investisseurs, ceux-ci étant choisis sans aucune vigilance par la ville.

LES ASSOCIATIONS INQUIÈTES...

Les associations (Académie delphinale, Fédération des associations patrimoniales de l’Isère) se sont rapidement mobilisées après avoir appris la mise en vente de la chapelle des pénitents, exprimant leur préoccupation quant à l'avenir incertain du site. Évidemment, à aucune étape du processus elles n'ont été consultées et elles ont découvert le bradage dans la presse. "On s’inquiète déjà depuis un petit moment du devenir de ce site, qui est déjà laissé à l’abandon depuis quelque temps par la Ville" expliquait ainsi au Dauphiné la Présidente de la FAPI Ingrid Caillet-Rousset. Le Président de l'Académie Delphinale Gilles-Marie Moreau enfonçant le clou : "ce serait une faute grave de vendre cette chapelle". Si la ville cherche avant tout un investisseur qui louera les lieux, la vente n'est en effet pas du tout exclue par l'adjointe.

... DÉCLARENT "L'ÉTAT D'URGENCE PATRIMONIAL"

Les associations ont franchi une étape cette semaine décrétant un "état d'urgence patrimonial". Toujours dans le Dauphiné, Ingrid Caillet-Rousset résume les problèmes et tire la sonnette d'alarme : "infiltrations d’eau, végétation anarchique, vitraux cassés… nos monuments sont en déshérence et cela s’aggrave d’année en année sans que la Ville de Grenoble ne prenne les mesures indispensables". Un choix de termes volontairement fort de la part d'associations d'habitude mesurées dans leur expression, qui témoigne bien du fossé croissant entre les besoins de préservation du patrimoine et la non-action de la municipalité.

CLAUS HABFAST, "GOAL VOLANT" D'UNE MAJORITÉ EN PERDITION

Elles déplorent également l'absence de concertation pour le patrimoine et le fait que "Grenoble, qui a le label Ville d’art et d’histoire, n’a plus d’élu en charge du patrimoine historique". Donnant corps à cette critique, c'est Claus Habfast (en charge de la montagne, la Tour Perret et la Bastille...) qui répond aux critiques. Comme il l'avait déjà fait l'an dernier alors qu'il n'est pas élu au patrimoine. Et alors que c'est Margot Belair (autre adjointe Verts/LFI) qui présente l'appel à projet pour la chapelle des pénitents. Forcément, en l'absence d'élu clairement identifié pour ce sujet qui nécessite un suivi, la ville n'a aucune stratégie. Tout un symbole du désintérêt de cette majorité pour l'histoire de la ville.

Eric Piolle envoie Claus Habfast (Vert/LFI) au charbon pour défendre le patrimoine alors qu'il n'a rien à voir. Le même est propulsé président de Grenoble-Habitat dans l'optique que ce soit temporaire puisque la municipalité espère encore brader le bailleur. Habfast fait en fait figure de "goal volant", sorte de bouche trou municipal sans attribution fixe.

LA TOUR PERRET EST BIEN L'ARBRE QUI CACHE LA FORÊT

Claus Habfast répond simplement que "on ne peut pas dire qu’on ne fait rien. Il n’y a qu’à voir la rénovation de la Tour Perret…". Confirmant que ce projet, le seul de la ville pour préserver le patrimoine, est bien l'arbre qui cache la forêt. Conçue pour aboutir en 2025, soit juste avant les municipales, cette rénovation vise à faire oublier que pendant ce temps rien n'a été fait pour le patrimoine religieux (Saint-Louis, Saint-André...), pour la villa Kaminski, pour l'ancien musée de peinture Place de Verdun... Habfast applique également la stratégie de dérésponsabilisation permanente du système Piolle, mettant en cause les municipalités précèdentes, ces "maires bâtisseurs, sauf qu’aujourd’hui, on se retrouve avec du patrimoine qui vieillit et qui coûte cher". Mais la municipalité Carignon, en plus des réalisations qu'on lui doit tandis qu'on ne retiendra rien des deux mandats Piolle, aura dans le même temps entrepris plus qu'eux pour la rénovation ! 

LES ALERTES DE L'OPPOSITION LÉGITIMÉES

Le groupe d'opposition d'Alain Carignon justement est le seul à alerter de longue date sur l'état du patrimoine. En septembre dernier, il a pris une nouvelle initiative en lançant un "circuit du patrimoine abandonné" pour sensibiliser les Grenoblois à ce sujet. Pour l'instant, malheureusement il prêche dans le vide tant la majorité municipale se moque de ce sujet.

Brigitte Boer, Chérif Boutafa, Dominique Spini et Alain Carignon devant la villa Kaminski pour présenter le circuit.

LE NERF DE LA GUERRE : LES FINANCES DE LA VILLE

Le nerf de la guerre d'une politique patrimoniale efficace, ce sont bien évidemment les finances. Le groupe d'opposition est également le seul à dépasser la simple critique pour également chercher à apporter des solutions concrètes. Il a notamment proposé une série d'amendements au budget pour inverser la tendance de l'endettement croissant et de la pression fiscale, et continue de proposer des pistes d'économies à chaque conseil. Sans ses propositions, Grenoble s'enlisera davantage dans la spirale de la dette et de l'impôt, ce qui limitera gravement sa capacité à financer de nouveaux investissements... au service du patrimoine qui en a cruellement besoin notamment.

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