PIOLLE ABSENT, COMMENT GRENOBLE EST « GÉRÉE » PAR SES COLLABORATEURS

Dans ce second article sur "Marguerite ou l'exercice du pouvoir", le roman d'une ex élue de Piolle (Marie-Madeleine Bouillon) sur le fonctionnement municipal grenoblois, nous revenons sur le rôle prégnant des collaborateurs, bien plus importants dans ce système que les élus.

EN L'ABSENCE DU MAIRE...

Si vous n'avez pas lu notre premier article consacré à l'ouvrage, vous pouvez le retrouver ici. Le premier enseignement à tirer est l'absence totale du Maire, déconnecté à la fois des citoyens mais aussi de sa propre majorité.

La couverture de l'ouvrage de MM Bouillon remise au goût du jour. Source : SaccageGrenoble.

...LES COLLABORATEURS PIOLLISTES AU COEUR DU SYSTÈME

Au cœur de l'aventure, on retrouve donc surtout les collaborateurs d'élus. Le dénommé Mario semble clairement inspiré d'Enzo Lesourt, l'ancien conseiller comm' de Piolle aujourd'hui en procès avec lui, autrefois éminence grise du Maire qui l'avait même qualifié de "deuxième cerveau". Le dénommé Félix semble quant à lui un portrait de Stéphane Bieganski, le secrétaire général du groupe des élus piollistes à la ville, un autre vieux routier du système là depuis le début.

LEUR RÔLE : JOUER LES MARIONNETTISTES 

Dans le livre, le rôle des deux collaborateurs est clair : tenir les élus, brider leur expression et la contrôler pour qu'elle corresponde parfaitement à leur feuille de route en matière de communication. Les chiens de garde du système, autopersuadés d'être des génies de la politique : l'auteur va jusqu'à les caricaturer en obsédés de Machiavel et de son célèbre ouvrage "Le Prince". Tout au long du roman, on les retrouve sans cesse pour encadrer ce que font les élus de la majorité, leur moindre prise de parole. « Pour rappel, interdiction de répondre aux questions des journalistes en dehors de ma présence » explique ainsi l'un d'eux (plus loin, il dicte quels mots exacts utiliser pour une interview). « Elle est la marionnette, Félix le marionnettiste » résume l'auteur à propos de la relation élu / collaborateur... 

L'OBSESSION DU CONTRÔLE POUSSÉE AU CORPS DES ÉLUS

Cette volonté de contrôle dépasse l'expression publique et les prises de position politique pour même atteindre... le corps des élus. Le collaborateur organise une formation « temps corporel » pour "comprendre et maîtriser ses postures, l’image que le corps renvoie" ! Ainsi que des jeux entre élus, les fameux "serious games", car "les élus joueurs s’en sortiraient mieux"… On retrouve là ces méthodes de management à base de séminaires potaches pour tenter de souder la majorité que décrivait l'ex élu Guy Tuscher.

RELATIONS AVEC LES HABITANTS : "NOYER" L'INFO !

Ce contrôle est évidemment scrupuleusement appliqué aux relations avec les Grenoblois. Dans un chapitre consacré à une réunion publique, un collaborateur dicte la marche à suivre à l'élue : « tu édulcores pour que tes propos ne soient vraiment ni réalité ni mensonge ». Il lui intime d'expliquer que des actions sont et seront mises en place… mais ce n'est en fait qu'une « volonté d’agir, des promesses d’actions, mais rien de concret ». « Marguerite devra être habile pour noyer le cadre précis de ces informations » résume l'auteur. Tellement symptomatique du système Piolle et de son enfumage permanent.

L'adjoint zélé Gilles Namur est envoyé au front (à la place du Maire absent) à chaque réunion de quartier : il est devenu expert pour noyer l'info, même si les habitants ne s'y trompent plus et l'houspillent violemment.

TOUT POUR LA COMM'

On retrouve cette obsession pour la comm', notamment nationale, au détriment de l'action concrète pour les Grenoblois. Le collaborateur se félicite ainsi que son élue ait annoncé le lancement d'une campagne de comm' sur le sujet de la propreté, car leur dernière campagne a été remarquée pour un « prix des villes communicantes ». L'élue est bien consciente que ça n'aura aucune efficacité... mais elle n'avait rien d'autre à proposer ! On croirait revoir le cinéma pour le label capitale verte, prétexte à communication qui n'a servi à rien... Le collab résume dans une phrase la priorité du système : « on est toujours dans l’espoir que rien ne fasse de l’ombre à nos plan de communication ». Plus loin il qualifiera de "période de grande agression" le fait que la presse publie quelques articles critiques...

LA PROPRETÉ DE LA VILLE AU COEUR DES SUJETS

En ce qui concerne les sujets de fond, un seul revient en boucle : celui de la propreté. On sent bien que ça a été un traumatisme du mandat. Mais à un collectif d'habitants excédés par l'état de la ville, les élus (bien sûr flanqués d'un collaborateur) vont se contenter de « relativiser, faire comprendre que ce n’était pas si grave ». À aucun moment l'auteur ne s'interroge néanmoins sur la responsabilité des élus de la majorité, sur l'organisation municipale : elle va penser à l'opposition qui salirait la ville délibérément (!) tout au long de l'ouvrage, avant de découvrir en conclusion que c'est un complot d'un élu déçu de la majorité...

On comprend aisément que la propreté soit au centre du livre.

ILS N'ONT DROIT QU'À TROIS PRISES DE PAROLE PAR RÉUNION

En interne, l'expression des élus n'est pas plus libre. Les réunions de la majorité sont totalement verrouillées. Un vieux "militant" présent, portrait de Vincent Comparat, le compère de Raymond Avrillier, piliers de l'officine verte ADES, veille au respect des règles établies qui empêchent toute expression libre. Ainsi un élu n'a pas le droit de prendre la parole sans la demander et se faire inscrire sur la liste des prises de parole. "Notre règlement dit pas plus de trois prises de paroles dans la réunion par personne" rappelle le collaborateur qui pilote la réunion. Et il faut s'exprimer très succinctement, en deux/trois phrases.

PAS POSSIBLE D'AJOUTER UN POINT D'ACTUALITÉ

Un élu qui avait quelque chose à faire valoir lors d'un autre dossier, mais une quatrième fois, est interdit de parole et claque la porte. Un adjoint au Maire qui se plaint de l'ordre du jour corseté, empêchant de parler des vrais problèmes, est remis en place par un membre du cabinet : « notre règlement  prévoit qu'il faut le proposer à un « groupe ordre du jour » au moins deux jours avant la réunion ». En résumé : si la ville brûle, ils n'ont pas le droit d'en parler parce que le Politburo n'a pas eu le temps de définir les éléments de langage à communiquer.

UNE MACHINERIE STALINIENNE...

Rappelons qu'il s'agit là de la réunion des élus de la même majorité, chargés de gérer Grenoble, avec des adjoints au Maire normalement responsables de secteurs opérationnels. En découvrant ce nouveau pan de la machinerie stalinienne des Rouge/Verts grenoblois, on comprend le pourquoi du fossé qui s'est creusé entre les Grenoblois et eux : une sorte de secte qui dirige Grenoble.

Vincent Comparat ici à droite de Piolle. Pilier du système Verts/ADES local depuis plus de 30 ans, présent à de nombreuses réunions de la majorité à la mairie (la dernière fois pas plus tard que lundi soir).

... ET UNE EMPRISE QUASI SECTAIRE

Nous n'employons pas le mot secte par hasard. L'auteur décrit en effet un fonctionnement très sectaire, avec une emprise malsaine sur les élus. Un système de conversations whatsapp municipales rythme ainsi leur vie, que ce soit pour les affaires de la ville ou pour des partages "conviviaux". La messagerie est décrite comme « captivante », certains vivent avec du lever au coucher : l’auteur parle de « contact continu avec sa communauté ». La relation d'emprise du Maire sur ses élus se fait plus claire à travers quelques scènes. À l'occasion de son anniversaire, quelques élus postent une photo avec dans la conversation de groupe. L'héroïne, qui n’est pas invitée, le vit mal, se sent seule, se demande si le Maire lui en veut. Plus loin, alors qu'elle craque pendant un conseil et doit prendre 3 semaines de repos, le Maire lui envoie par sms « plus jamais ça ? repose toi », ce qui va la faire ruminer pendant des jours à tenter de décrypter le message, se demander à nouveau s'il lui en veut, etc. On croirait à une relation gourou/adepte.

GLC "À L'HONNEUR" !

Relevons que l'action de notre collectif "Grenoble le Changement" est évoquée dans le livre, sous un autre nom évidemment. La majorité est dérangée par un groupe d'opposition très actif sur internet. Bien sûr, l'auteur est très caricaturale et dépeint les articles comme s'attaquant aux moeurs et à la vie personnelle, ce qui n'a jamais été le cas : en près de 10 ans d'activité nous n'avons écrit que sur des sujets d'intérêt municipal. Mais on découvre surtout que les collaborateurs vigies du système surveillent au quotidien ce que poste le site. Une confirmation de la pertinence de notre travail qui nous encourage évidemment à continuer. Nous en profitons pour saluer l'oeil de Moscou piolliste qui nous lira ce matin ! 

LE RÉSUMÉ DE LA CONCEPTION PIOLLISTE DU POUVOIR

À la toute fin du livre, la conception que se fait Eric Piolle et son entourage du pouvoir est finalement habilement résumée par un dialogue entre l'attachée et l'héroïne : "l’exercice du pouvoir, c’est occuper l’espace. Le remplir de mots. Peu importe les actes. La politique devient un art de conter". Clair, net et précis : de l'esbrouffe.

CE FONCTIONNEMENT PERDURE

Le système perdure en ce deuxième mandat. Enzo Lesourt a quitté la municipalité, mais le patron des attachés de groupe (Stéphane Bieganski) est toujours en poste entouré d'une myriade de collaborateurs. Le cabinet du Maire dirigé par Odile Barnola est tout puissant et impose ses vues à tous. Des associations sont par exemple surprises de se retrouver en réunion avec leur élu de référence qui se contente de lire ses éléments sous les yeux attentifs d'un membre du cabinet ! Le système s'assure de tout contrôler. On retrouve des gens idéologiquement proches d'eux dans les services. Récemment, Thomas Mandroux, ex responsable syndical étudiant d'extrême-gauche connu pour l'affaire des professeurs jetés en pature à Sciences Po Grenoble a été recruté au service vie institutionnelle. Aurélie Le Meur, ancienne première adjointe de Chambéry bien marquée à gauche (issue d'un "mouvement citoyen", un faux groupuscule comme on en a l'habitude à Grenoble), a été recrutée comme remplaçante d'Eric Recoura (compagnon de l'adjointe Lucille Lheureux) au poste de directrice "ville ouverte"...

Aurélie Le Meur nouvelle cadre de la ville : on remplace la gauche par la gauche. Capture d'écran Le Dauphiné.

UN SYSTÈME DE CONTRÔLE AUTORITAIRE, SANS HUMANITÉ

Avec son roman, Marie-Madeleine Bouillon en dévoile un peu plus sur ce système de contrôle, rigide, qui tue toute initiative et nuit gravement au bon fonctionnement de la ville. On y retrouve des élus lâchés dans l'arène et abandonné par leur Maire, qui n’arrivent pas à s’organiser et à équilibrer leur mandat avec leur vie personnelle. Ils sont mis dans les mains de collaborateurs tout puissants et se retrouvent dans une essoreuse. Un système qui les broie, qui ne les considère par comme des individus, mais comme des pions qui forment une masse à gérer et à piloter. Un fonctionnement véritablement inhumain par les mêmes qui portent leur humanisme de façade en bandoulière. 

Mais cet ouvrage accélère un peu plus la décomposition du système Piolle, démonté pièce par pièce par d'anciens de la majorité : Guy Tuscher, Hakim Sabri et maintenant Marie-Madeleine Bouillon. L'enfumage aura duré 10 ans mais cette période où "tout lui réussissait" est bel et bien révolue. Le roi est nu.

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