PRÉMOL : LA GOUTTE DE TROP POUR LA MUNICIPALITÉ PIOLLE ?

"Le théâtre Prémol entre en résistance", titre  Clémence Beyrie pour le Dauphiné Libéré (8 mai 2024). Le projet que la municipalité Piolle souhaite imposer serait-il la goutte d'eau qui va faire déborder le vase de 10 ans de déconstruction de la culture et de l'éducation populaire à Grenoble ?

LA CRÉATION D'UN COLLECTIF DE "RÉSISTANCE"

Le DL rend compte d'une réunion de la MJC, dont nous vous annoncions la tenue ici même il y a quelques jours, pour préparer "le premier acte de ce qui pourrait être leur dernière création : la résistance" selon les mots de la journaliste, qui qualifie également le théâtre de "petite bulle de culture dans un quartier populaire qui en a bien besoin". Le ton est donné.

Le théatre Prémol, au coeur de l'un des plus grands quartiers populaires de Grenoble. Photo Google Maps.

UN PROJET PERDANT-PERDANT...

Pour rappel si vous n'avez pas lu nos précédents articles : les élus Verts/LFI ont décidé, unilatéralement, d'arracher la gestion du théâtre Prémol jusque-là confiée à la MJC du même nom pour la confier au Centre des Arts du Récit basé à Saint-Martin d'Hères. Une idée perdante pour tout le monde : la MJC qui serait menacée, le théâtre dont la programmation collait jusque-là aux attentes des habitants grâce au lien avec la MJC, le Centre des Arts du Récit qui s'éloignerait de son objet initial, les habitants du quartier Villeneuve / Village Olympique qui verraient un équipement essentiel s'affaiblir.

... SORTI DU CHAPEAU SANS CONCERTATION

La réunion rapportée par le Dauphiné confirme bien qu'à aucun moment la MJC/théâtre n'a été associée. C'est un condensé de la brutalité du système Piolle. D'abord, la directrice Elisabeth Papazian a été convoquée et "on lui a dit que le théâtre Prémol, c’était fini, que les Arts du récit allaient nous remplacer". Pour rappel, les Verts dont Eric Piolle font campagne en ce moment même pour les élections européennes sur le thème de la "douceur"...

LA MAUVAISE FOI MUNICIPALE

Deux réunions ont suivi celle-ci, au cours desquelles la municipalité a fait mine d'être ouverte au dialogue et à une forme de partage du théâtre pour endormir le début de contestation... Pour finalement juger que ce n'est pas possible et retenir la solution qui mène à la levée de boucliers actuelle. À l'aune de quels critères ? Inutile de préciser qu'ils n'ont à aucun moment été développés.

L'ARGUMENT BÊTEMENT FINANCIER

Et pour cause. L'argument est bêtement financier : la ville recherche quelques économies de bouts de chandelle comme elle le confirme avec force détours dans un communiqué que relaie le DL. Alors que les élus Piollistes jettent des sommes considérables par les fenêtres en dépenses (projets dispendieux, absence de mutualisation avec la métro, masse salariale, locaux vides qui nous coûtent...), ils sont prêts à torpiller une structure centrale pour la vie sociale et culturelle d'un quartier pour quelques économies risibles eu égard aux besoins de la ville exsangue après 10 ans de gestion par les Verts. 

Exemple de bonne gestion des deniers publics : pendant que la municipalité menace le théâtre Prémol pour quelques milliers d'euros, le pavillon des mobilités sur la Presqu'ile impulsé par Eric Piolle / Yann Mongaburu, dont la construction a coûté 13 millions d'euros... pour être aujourd'hui quasi entièrement vide.

LES INSUPPORTABLES ÉLÉMENTS DE LANGAGE HABITUELS

Le communiqué "de la ville de Grenoble" (non-signé par les élus décisionnaires qui n'assument évidemment pas) est un empilement des éléments de langage habituels, où les poncifs bateau ("la ville est attachée à la présence d’un lieu culturel ouvert"..) succèdent aux engagements qui relèvent carrément de la contre-vérité (elle veut "renforcer le dynamisme et l’offre culturelle du quartier" avec un projet qui aurait l'effet inverse) et aux provocations en parlant de "discussion toujours ouverte"....

GENEVIÈVE BERTHET (LA CORDÉE) : "C'EST DU BARATIN !"

Heureusement, mardi, les participants n'étaient pas dupes. Et ont pu compter sur un renfort de poids : Geneviève Berthet, ancienne Présidente de la Cordée (l'association d'éducation populaire de la Villeneuve qui avait vu son conventionnement brutalement interrompu en même temps que le plateau fin 2022). "La mairie a un projet et elle va l’appliquer, comme au Plateau, à la Cordée. C’est exactement ce qu’on a vécu. On nous a dit du jour au lendemain que c’était fini. Ne vous laissez pas endormir, tout ce qu’on vous raconte pour vous garder de la place ici, c’est du baratin !" relate le DL. 

LA MÉCANIQUE DES VERTS/LFI S'EST ENRAYÉE

L'avertissement de Geneviève Berthet confirme que quelque chose s'est cassé dans la mécanique municipale qui a pendant de longues années enfumé tout le monde grâce à une communication bien huilée. Leurs méthodes sont désormais connues, on voit leur (absence de) résultats : leurs discours ne trompent plus. La divorce est consommé y compris avec des personnes plutôt proches de leurs idées, comme on l'a vu avec la lettre ouverte d'Henri Touati, fondateur et directeur de 1986 à 2014 du Centre des Arts du Récit, ex directeur de MJC, qui a longuement démonté le projet prévu par les Verts.

Henri Touati, ex fondateur et directeur des Arts du Récit, n'y est pas allé de main morte à propos du projet municipal en expliquant qu'il redessine "les contours des projets culturels et d'éducation populaire en imposant des orientations qui en dénaturent profondément leur esprit et leur essence".

"PRÊTS POUR LA GUERRE"

Le vocabulaire employé en dit long sur le ressentiment qu'a engendré la gestion Piolle : les participants à la réunion s'interrogent sur "comment on entre en résistance ?" pour sauver le théâtre (la journaliste confirmant qu'"ils sont tous prêts pour la guerre"). On monte encore d'un cran dans le rejet des Verts/LFI avec une sémantique guerrière qu'on aurait jamais pu imaginer il y a 10 ans, après l'élection d'une équipe qui revendiquait une "ville pour tous" et accédait au pouvoir au terme d'une campagne construite pour incarner la "joie", les "ruptures positives" etc.

LA FIN DE RÈGNE

Mais la coupe a bien de quoi déborder. Que ce soit pour l'éducation populaire (après le Plateau, la Cordée, la MJC mutualité..), la culture (dont la reprise en main a tué le théâtre, dont les critères de subventions brident les acteurs), les associations grenobloises (dernier exemple en date avec le judo à Mistral qui est mis dehors...). Les Piollistes ont aussi fait exploser leur camp politique, comme on le voit au conseil avec la multiplication des groupes issus de leur liste, mais aussi sur le terrain où leurs projets sont contestés désormais y compris par des collectifs de gauche

La fin de règne est aussi brutale que l'a été la gestion. Il s'achève dans les divisions, le ressentiment et les déceptions. Et des épisodes comme celui de la MJC Prémol risquent bien de l'accélérer encore.

 

 

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