LE 6 MARS 1983, L’OPPOSITION EMPORTAIT GRENOBLE AU PREMIER TOUR

Le 6 mars 1983, il y a 40 ans, l'opposition emportait Grenoble au premier tour, déclenchant une déflagration politique. Au sommet de sa gloire, adulé par les médias, encensé par tout ce qui pensait, Hubert Dubedout était détrôné par Alain Carignon et une liste qui ne s'appelait pas "société civile" mais l'était puisqu'elle regroupait une grande partie des acteurs de la ville.

LA DROITE A T-ELLE RÉALISÉ UN HOLD-UP ÉLECTORAL ?

Un résultat qui engrangea son lot de commentaire de mauvaise foi puisque la gauche plaida "l'élection par surprise": certains de la réélection d'Hubert Dubedout, ses électeurs seraient aller skier, permettant à la vilaine "droite" de réaliser un hold-up électoral avec 53 %, contre 43 % à la liste de la gauche et des écologistes et 4% à l'extrême droite. 

Sauf que les chiffres de participation à l'élection ne dénotent pas d'abstention anormalement élevée et invalident donc le mythe d'électeurs de gauche qui seraient aller skier.

Sauf que, un an auparavant, la gauche avait été battue dans les 3 cantons Grenoblois aux élections départementales, dont Guy Névache, patron du PS, ex directeur de cabinet de Dubedout, ex suppléant de Pierre Mendès-France dans le populaire quartier Berriat. 

Sauf que 6 ans après, aux élections municipales de 1989, ayant eu le temps d'y réfléchir, Michel Destot candidat de la gauche sera battu à nouveau au premier tour par la liste d'Alain Carignon avec le même score.

DUBEDOUT D'ABORD FAVORABLE AU POMA 2000

Une élection précédée de débats passionnés dont celui du tram dont l'idée était à ses balbutiements : Hubert Dubedout venait de s'y rallier, alors qu'il était à favorable au Poma 2000 (téléphérique urbain), tandis qu'Alain Carignon y était favorable dès l'origine, promettant à son électorat en partie défavorable qu'il organiserait un référendum et voterait "oui" au tram. 

ALAIN CARIGNON TIENT LA PROMESSE DU RÉFÉRENDUM SUR LE TRAM 

Trois mois après son élection, dès le mois de juin, après un nouveau débat très contradictoire, chaque électeur Grenoblois recevait une enveloppe électorale avec toutes les professions de foi des pour et des contre le tram. Le "oui" au tram l'emportait par 53 % des voix à l'occasion de la plus importante votation citoyenne d'une grande ville. Malgré une gauche et des Verts qui espéraient le faire chuter au détriment du tram. Quatre ans après, en 1987, le premier tram au monde accessible aux handicapés - ce qu'il avait obtenu dans un bras de fer avec Alstom - était inauguré par Alain Carignon, devenu Ministre entre-temps. 

DUBEDOUT, MAIRE DU TEMPLE DE LA CONSOMMATION....

L'histoire retiendra le paradoxe qu'Hubert Dubedout aura été le Maire de la création du centre commercial de Grand-Place, temple de la consommation, qui a asphyxié toute possibilité de commerce de proximité dans les quartiers su sud de la ville (Village Olympique, Villeneuve, Vigny-Musset...), et Alain Carignon, le père du tram, lequel dit-il, n'aurait jamais créé Grand-Place s'il avait été Maire.

GRENOBLE PREND LA TÊTE DES GRANDES VILLES...

On connait la suite. Grenoble deviendra un modèle envié, où la valeur des biens sera supérieure à Bordeaux, Lyon, Strasbourg, qui gagnera l'implantation du Synchrotron contre Strasbourg, l'arrivée de ST Micro, contre l'Italie, et le nouveau Musée d'Intérêt National attendu depuis des décennies, obtenu de François Mitterrand par Alain Carignon. Il y aura un nouveau Palais de Justice, les crédits obtenus de Balladur pour la rénovation de MC2, deux bibliothèques nouvelles, Europole, l'école de Commerce...

Aujourd'hui toutes ces réalisations semblent nées d'une "génération champignon" : toute la sueur et l'énergie dépensées par ceux qui les ont obtenu ont été gommées afin que l'immobilisme actuel ne puisse être relevé. 

ÉDUCATION POPULAIRE ET ESPACES DE RESPIRATION 

Une ville propre, sécure, une présence de l'éducation populaire et de l'animation dans les quartiers dont nombre de jeunes de l'époque, adultes aujourd'hui, se souviennent avec émotion. Une rupture avec l'urbanisme densificateur de Dubedout symbolisé par Villeneuve, avec la création de 20 hectares de parcs et jardins en 12 ans, soit 10 % des espaces de respiration de la ville, et du quartier Reyniès-Bayard qui s'articule autour d'un parc de 5, 5 hectares.  

TOUS LES 15 ANS LA GAUCHE ET LES VERTS SOLDENT LEUR GESTION PAR L'IMPÔT

Au plan financier, après une première période de forts investissements, la Municipalité remettra la ville sur la bonne trajectoire en matière d'endettement à compter de 1990, comme le reconnaitra la Chambre des Comptes. Ce qui sera vérifié à l'arrivée de la gauche en 1995 qui n'aura ni à augmenter les impôts, ni la dette, au contraire, sortant un chèque de 10 millions de francs pour racheter le contrat d'eau à la Lyonnaise des Eaux. Ce n'est que 13 ans après, en 2008, que la gauche et les Verts solderont la première partie de leur gestion avec une augmentation de 10 % des impôts. La seconde partie est soldée en 2023 avec +25 %. Les Grenoblois ne voudront probablement pas en vivre trois. 

MAITRISE DU FONCTIONNEMENT, CLÉ DE LA MAITRISE FISCALE

Au contraire, une période Carignon heureuse de 12 ans pendant laquelle les taux d'impôts communaux n'augmenteront jamais. Mieux, en 1985, afin d'éviter le coût de l'augmentation des bases, ils... baisseront à proportion sur décision du Conseil Municipal. On croit rêver. Il est vrai qu'en 12 ans, comme le notent aujourd'hui les Verts/Ades dans leur bulletin, 600 emplois municipaux auront disparu, soit 50 par an, avec un service rendu qui s'était largement amélioré. La preuve que tout se joue dans le fonctionnement.

DU TERRAIN ÉLECTORAL AU TERRAIN JUDICIAIRE

On connait la suite. Conformément à leurs méthodes, les Verts/Ades, conduits par Raymond Avrillier, Conseiller Municipal d'opposition (qui finira Adjoint au Maire de Destot et Vice Président de la Métro de Baïetto), passeront du terrain électoral, où ils étaient devenus impuissants, au terrain judiciaire, dans une étrange alliance médiatique  (Philippe Descamps, journaliste à France 3 qui sera suspendu par la chaine), judiciaire (Philippe Courroye, le juge porté par son ambition personnelle) et de tous les opposants politiques.

A. CARIGNON : AUCUN PRÉJUDICE MORAL, FINANCIER, ÉCONOMIQUE À LA VILLE

Au final, on rappellera l'essentiel de cette procédure : la municipalité Destot, les rouges/verts qui s'étaient porté partie civile contre Alain Carignon ont été déboutés en première instance, en Appel et en Cassation:  "la Cour d'Appel déboute les parties civiles de toutes leurs demandes au titre des préjudices matériel, économique et moral" qu'elle déclare "non fondées" et "laisse à la charge des parties civiles les frais de leur intervention". 

Il est établi qu'Alain Carignon n'avait rien a rembourser à la ville. En 2006, conformément à la loi, il a été réhabilité. 

GRENOBLE CULTURELLEMENT D'OPPOSITION

De cette histoire électorale, il faut retenir que Grenoble n'est pas une ville "sociologiquement de gauche" comme le répètent inlassablement les commentateurs. Elle est culturellement une ville d'opposition et d'anticipation. La gauche moderne qu'incarna d'abord Dubedout avant les autres, la droite moderne qu'incarna Carignon avant les autres, l'écologie politique que Piolle préempta en paravent de l'extrême gauche.

En 2026, la situation très difficile de Grenoble pourrait définir la nouvelle incarnation dont elle a besoin. Interrogé par nous aujourd'hui, Alain Carignon répond "à chaque âge on doit réapprendre à vivre, être capable de se réinventer, c'est ce que j'ai toujours aimé dans la vie, il n'y a aucune raison que ça change, d'autant que je me sens chaque fois plus libre, avec l'expérience en plus". 

H. DUBEDOUT : "VOILA LE BUREAU OU SERA L'OPPOSITION..." 

Sur les élections de 83,  il raconte : "le vendredi avant le premier tour, le journaliste du "Point" avait demandé une photo de Dubedout et moi sur les marches de l'hôtel de ville. Le Maire m'a fait entrer dans le hall et m'a montré un petit bureau d'angle et m'a dit "voila où sera l'opposition mais vous aurez aussi un secrétariat". Puis nous avons posé pour la photo. Comme il faisait froid, j'ai vu ensuite Hubert Dubedout enfiler ses gants de cuir et partir traverser le parc pour aller déjeuner chez lui, place Paul Mistral, avec Marie-Rose, son épouse. Je ne l'ai aperçu ensuite qu'une seule fois de loin, le 14 juillet suivant aux cérémonies. Il n'est plus jamais apparu ensuite. Je ne l'ai jamais revu. " 

ENZO LESOURT CHERCHE UNE NOUVELLE STORY POUR PIOLLE

Il ne faut donc jamais jurer de rien en matière électorale. Eric Piolle a chargé Enzo Lesourt, son ex-Conseiller spécial avec lequel il est en procès, d'un rapport sur la prospective politique afin de définir la nouvelle "story" qu'il voudrait écrire pour tromper les Grenoblois. Le même Enzo Lesourt qui affirme au DL qu'Éric Piolle a choisi son successeur auquel il voulait passer la main dès l'année prochaine. 

PIOLLE ENVISAGE LA PRÉSIDENCE DE LA MÉTRO 

Devant ses échecs nationaux et l'horizon qui s'assombrit, Piolle envisagerait de figurer sur la liste afin d'être le candidat des Verts à la Présidence de la Métro. Il passerait de l'incarnation de la modernité verte qu'Erwan Lecoeur lui a fabriqué en 2014, au bidouillage politique de bas étage, signant une fin de règne bien peu glorieuse et très incertaine. Sans évoquer les risques judiciaires.

LES INGRÉDIENTS DE 1983 SONT RASSEMBLÉS EN 2023

Le modèle de 83 démontre que le jeu est très ouvert en 2026. Les ingrédients tels l'usure, la division, l'arrogance du Maire, sa non reconnaissance nationale, la lassitude des Grenoblois face à la non prise en compte de leurs préoccupations, sont les mêmes.

La probabilité que Grenoble choisisse, selon sa tradition, de rompre brutalement, est très élevée. Avec le projet d'augmenter massivement les impôts en 2023, Piolle est peut être définitivement passé de l'autre côté de la barrière dans l'esprit des Grenoblois. 

LES RÉPONSES A L'ASPHYXIE, CLÉ DU SCRUTIN? 

La seule histoire électorale qui se répète en effet est le lâchage sans appel d'un Maire et d'une municipalité qui déçoivent pour trouver des réponses au temps qui vient. Les questions qui se posent à Grenoble sont sur la place publique et relèvent de sa survie, en particulier au plan financier. Qui détiendra les réponses détiendra probablement la clé du scrutin à venir. 

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