RÉNOVATION : CET AUTRE ÉCHEC ÉCOLOGIQUE ET SOCIAL DE GRENOBLE
Après presque 10 ans aux commandes, force est de constater que le sujet de la rénovation énergétique des logements patine avec la municipalité Piolle, censée être "verte" mais qui ne fait preuve d'aucune ambition et calibre mal ses dispositifs.
UN ENJEU PRIMORDIAL
La question est pourtant majeure et devrait être au cœur de nos politiques publiques. Il y a là un enjeu à la fois sur le plan social, pour permettre aux foyers d'avoir le confort d'un logement isolé correctement et d'économiser sur leurs factures d'énergie, et à la fois sur le plan environnemental (le bâtiment représente 45 % de la consommation totale d’énergie en France, et 17 % des émissions de gaz à effet de serre).
GRENOBLE PREND UN TEMPS DE RETARD
Et pourtant, localement, nous n'avançons que très peu sur le sujet. Malgré de multiples lancements de dispositifs au cours des dix dernières années, les progrès réalisés sont minimes, et les ambitions affichées sont loin d'être à la hauteur des défis qui se dressent devant nous.
"MUR MUR" : 2700 LOGEMENTS EN... 11 ANS
En matière de rénovation, la tête de gondole à Grenoble est un programme porté par la Métropole, vanté tant par les majorités Piolle que Ferrari. Baptisé "Mur Mur", il vise à accorder des aides pour la rénovation des copropriétés et des maisons individuelles. Mais entre 2010 et 2021, seuls 2700 logements en ont bénéficié. Un chiffre dérisoire par rapport aux près de 100 000 logements que compte la ville de Grenoble. La faute à un fonctionnement mal pensé qui en éloigne les citoyens.
UNE USINE À GAZ PEU ACCESSIBLE
D'une part, de très nombreux habitants ne sont toujours pas au courant de l'existence de ce dispositif. D'autre part, même en le connaissant, l'usine à gaz administrative n'incite franchement pas à monter son dossier : il y a différents critères d'aide et modalités d'accompagnement, différents pourcentages d'aides et plafonds de dépenses, des programmes et des montants qui varient selon la commune, puis des bonus éventuels selon que vous cochiez certaines conditions ou non... Bref, le processus est terriblement fastidieux : on voudrait décourager le citoyen qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
DES NIVEAUX D'AIDES INADAPTÉS
Mais le principal obstacle demeure le niveau d'aides, largement insuffisant pour inciter véritablement à la rénovation. La politique actuelle d'attribution accorde des aides quasi uniquement pour les propriétaires "aux revenus modestes et très modestes". Étant entendu que selon les modalités retenues par la ville de Grenoble et la métropole, un couple gagnant chacun un SMIC n'est pas considéré comme modeste ! Le dispositif est ainsi très mal calibré, car ces propriétaires qui peinent à boucler les fins de mois n'auront dans l'immense majorité des cas aucune marge de manœuvre pour dégager le reste à charge pour engager des travaux de rénovation.
IL FAUDRAIT MISER SUR LES CLASSES MOYENNES
Ceux qui auraient davantage la capacité financière de supporter les coûts de rénovation, c'est à dire les propriétaires issus de la classe moyenne, sont négligés. On est là confronté à l'hypocrisie de nos élus locaux : alors qu'une révision du dispositif pourrait augmenter considérablement le nombre de logements rénovés en visant la bonne cible, ils persistent avec un système mal calibré, malgré les alertes incessantes du groupe d'opposition d'Alain Carignon qui s'est saisi de ce sujet là aussi. Par refus de remettre en cause ce qu'ils ont bricolé et d'ainsi admettre leur échec ? Parce qu'il est plus facile de communiquer sur ce qu'ils vendent comme une politique sociale en ciblant les "très modestes" ? Parce qu'ils savent ainsi qu'ils limitent le recours au dispositif... et donc le coût pour ville et métro qui sont surendettées ?
PRIME AIR-BOIS : LES MÊMES SOUCIS
On retrouve d'ailleurs exactement les même problèmes (de communication, de complexité administrative et de bon ciblage des aides) avec la Prime Air-Bois, un dispositif pour aider au changement des vieux système de chauffage. En trois ans, seuls 1000 dossiers ont été déposés dans la métropole ! Le chauffage au bois non performant est pourtant le principal émetteur de particules fines, la pire source de pollution de l'air... bien devant la voiture, qui là encore par facilités pour la comm a droit à toute l'attention des majorités Piolle et Ferrari (lancées dans la surenchère pour la ZFE anti sociale et peu utile, alors que pendant ce temps silence radio pour le chauffage au bois).
UNE NOUVELLE EXPÉRIMENTATION QUI REPRODUIT CES FREINS À L'IDENTIQUE
Lors du dernier conseil municipal, l'adjoint au social, Nicolas Kada, a présenté une délibération actant "l'engagement de la Ville de Grenoble dans le projet d'expérimentation "Territoire zéro exclusion énergétique". Noble ambition, avec un programme qui cible ici les logements individuellement (pas que les copro comme avec Mur Mur)... mais on persiste encore avec les même problèmes (une concentration des aides pour les modestes et très modestes, peu susceptibles d'effectuer des travaux). Mêmes causes, mêmes effets à prévoir.
UNE AMBITION TOUJOURS AUSSI FAIBLE, ET PEU CLAIRE
On est vraiment dans "l'expérimentation" car à peu près rien n'est ficelé et les objectifs affichés sont dérisoires. Un seul quartier (pas encore défini) sera ciblé et l'idée est d'accompagner... 140 ménages sur trois ans (prière de ne pas rire face à cette ambition spectaculaire). La ville allouera 100 000 euros pour la "massification de la rénovation performante, globale et écologique de l'habitat des personnes en situation de grande précarité énergétique, et à déployer, via un partenariat efficace, un accompagnement renforcé des ménages en difficultés". Une formulation obscure comme on en a l'habitude avec eux, qui laisse entendre que ce ne seront même pas 100 000 euros d'aides accordées, mais aussi un montant qui servira à financer de "l'accompagnement" (sans qu'on ait plus d'informations sur en quoi cela consistera exactement). Bref, un autre dispositif qui ne changera aucunement la donne.
LA HAUSSE DE TAXE FONCIÈRE VA ENCORE FREINER LES TRAVAUX
Aux difficultés inhérentes aux dispositifs s'ajoute désormais la hausse massive de taxe foncière (+32%) imposée par Eric Piolle au mépris de ses engagements de campagne. Elle aura pour autre effet indirect de freiner les travaux de rénovation, les ménages matraqués par cette augmentation et subissant en plus l'inflation étant bien moins susceptibles de dégager des sommes pour la rénovation de leur bien. Les Rouge/Verts ont le culot de parler d'un prétendu "bouclier social et climatique" (qui n'existe pas comme le rappellent les ex élus de la majorité) à partir d'une hausse précisément anti sociale et anti climatique !
BRIGITTE BOER : "UN FUTUR ACTE MANQUÉ"
Lors du dernier conseil municipal, la coprésidente du groupe d'opposition, Brigitte Boer, après avoir exposé tous ces problèmes qui nous éloignent d'une vraie politique de rénovation énergétique globale, est revenue sur la faible ambition de cette nouvelle "expérimentation" : "On ne peut que déplorer le manque de solidité de votre bouclier social et climatique. 100 000 euros par an pour ce sujet ô combien essentiel, soit à peu près le prix de votre célébrissime toilette à éolienne parc Paul Mistral, mais aussi 2x moins que ce que vous avez dépensé pour votre sculpture en bois restée quelques mois à l’esplanade, et je ne vous fais pas l’affront de parler des sommes colossales engagées pour des cérémonies et de la communication autour de “capitale verte”. Bref, ce programme d’expérimentation se profile d’ores et déjà comme un futur acte manqué. Un de plus. Ça commence à faire beaucoup".
LE SOMBRE BILAN ÉCOLOGIQUE DES "VERTS" QUI SE PROFILE
On ne peut que constater et déplorer le très faible bilan de la municipalité, au pouvoir depuis dix ans, sur ce sujet pourtant au coeur des enjeux environnementaux. Première ville hors Paris pour les îlots de chaleur, parmi les dernières pour la part de nature en ville, et à la ramasse pour la rénovation énergétique des logements : le bilan concret des Verts tire décidément plus vers le gris. Mais à une époque où la comm' emporte tout et où le discours vaut action, les électeurs ayant voté pour eux en étant persuadés de leurs vertus écologiques se laisseront-ils encore avoir ?