SÉNATORIALES : PIOLLE VA-T-IL LÀ AUSSI TORPILLER LA GAUCHE ?

Élection éloignée du grand public, les sénatoriales qui auront lieu le 24 septembre prochain sont pourtant un bon indicateur du rapport de force politique par département. Et elle pourraient tourner à l'eau de boudin pour la gauche... grâce notamment à Eric Piolle.

PS : LA FIN DE VALLINI ?

Du côté de la gauche traditionnelle, la fin de l'ère André Vallini (ex apparatchik départemental que les moins de 20 ans ne connaissent pas et que les autres ont déjà oublié) semble se profiler. Le sénateur socialiste sortant, qui se rêvait Ministre de la Justice et aura hérité d'un petit maroquin de secrétaire d'Etat en fin de règne de François Hollande, devrait raccrocher les gants. Erwan Binet, ancien Député PS de la circonscription de Vienne de 2012 à 2017, devrait être chef de file des socialistes. Son palmarès depuis : battu aux législatives 2017, battu au premier tour aux municipales à Vienne face à Thierry Kovacs en 2020, battu aux départementales en 2021. Voilà qui promet.

De gauche à droite : Didier Rambaud (aujourd'hui Sénateur LREM), André Vallini (Sénateur sortant PS), Christophe Ferrari (PS repenti) et Alain Cottalorda (PS remplacant de Vallini au Département en 2015, levé par Mediapart car il employait une aide ménagère roumaine au noir).

EELV : GONTARD VEUT PRENDRE LA TÊTE DE LA GAUCHE

L'autre sénateur sortant de gauche, encarté EELV, s'appelle Guillaume Gontard. Il était Maire du Trièves et a été élu pour la première fois Sénateur en 2017. La majorité de ses voix provenant d'élus verts métropolitains et notamment grenoblois. Il ne s'y est d'ailleurs pas trompé et a installé sa permanence à Grenoble. Sectaire, homme-lige de Piolle au Sénat, il s'est notamment illustré en soutenant sans vergogne les agresseurs qui avaient tabassé gratuitement des jeunes militants de droite en pleine rue. Comme le Maire de Grenoble mais en moins discret, c'est la façade institutionnelle "présentable" d'une extrême-gauche crasse aux méthodes violentes.

Lors de l'élection à la présidence de la Métropole, alors que toute la gauche tremble en voyant la majorité Ferrari/Piolle exploser, Gontard se félicitait qu'il y ait "du débat". Une véritable anguille qui n'aime pas trop choisir car dépendant de toutes les voix de gauche de la Métropole.

LA FRANCE INSOUMISE AGITE LA MENACE DE L'AUTONOMIE

Gontard a déjà commencé sa campagne en appelant au rassemblement de la gauche derrière lui. Mais déjà la France Insoumise jette un premier pavé dans la mare. Le parti de Mélenchon, emmené localement par ses chefs de file Elisa Martin (députée invisible de Grenoble et ancienne première adjointe calamiteuse de Piolle) et Alban Rosa (élu échirollois), exige un accord national pour un rassemblement sur le modèle de la NUPES pour les élections législatives de 2022. Et dans la presse la semaine dernière, ils agitent l'idée d'une liste autonome s'il n'y a pas d'accord national. Se permettant même une menace au passage : "si Guillaume Gontard nous entend, qu’il fasse passer le message aux instances nationales des autres partis". Les bonnes vieilles méthodes insoumises.

Elisa Martin et Eric Piolle conversant ensemble après avoir participé à une manifestation qui a dégradé le crédit agricole rue de la République il y a deux semaines. Martin menace désormais d'une liste autonome face au candidat EELV de Piolle.

CHRISTOPHE FERRARI (PS REPENTI) MONTRE LES MUSCLES

Puis dans le Dauphiné cette semaine, Christophe Ferrari est interviewé pour parler de son nouveau parti "Territoires singuliers". Un parti qui promet la "réconciliation" sur la base du "consensus" en opposition aux "radicalités" ; dit plus clairement, un parti de gauche anti Piolle. Le président de la Métropole l'a créé avec Jean-Yves Brenier, élu de gauche du Nord-Isère et Coraline Saurat : une apparatchik PS aujourd'hui présidente de la communauté de communes de la Matheysine et conseillère régionale après avoir été collaboratrice de l'ex sénatrice PS Eliane Giraud puis chef de cabinet d'un certain... Christophe Ferrai à la Métropole. Il confirme s'intéresser aux Sénatoriales, et il élude la question de sa propre candidature en expliquant qu'il "veut juste que nos idées soient portées". Mais le message est suffisamment clair, d'autant que le parti se veut "faire entendre la voix des territoires".. un vrai élément de langage sénatorial.

Au milieu de la guerre métropolitaine, Ferrari envoie une carte postale douceureuse on ne peut plus claire avec son nouveau parti.

PIOLLE VA-T-IL FAIRE CAPOTER L'UNION ?

Et il est d'autant plus clair que cette sortie médiatique n'intervient pas à n'importe quel moment : pile au milieu du champ de tirs médiatiques orchestré par Piolle, qui envoie chaque matin un nouvel élu dans la presse pour fustiger Ferrari et le critiquer vertement suite à sa décision de retirer la vice-présidence d'un élu du groupe piolliste à la métropole. Le Président de la Métropole encaisse les coups, dont certains d'une rare violence comme le système Piolle nous y a habitué. Et il choisit de ne pas les commenter, mais envoie en plein milieu du champ de bataille le message qu'il s'intéresse aux sénatoriales, à l'heure où l'EELV Guillaume Gontard appelle au rassemblement. Reçu 5/5 : l'entêtement furieux de Piolle pourrait encore faire des dégâts à gauche.

Après le conseil municipal, le conseil métropolitain est aussi devenu une maison de fous.

LE SILENCE GÊNÉ DE GONTARD SUR LA GUERRE PIOLLE/FERRARI

Il y a d'ailleurs des silences qui ne trompent pas. Le principal concerné chez les verts pour les sénatoriales, lui n'est d'habitude pas le dernier à commenter, est aussi le seul gros cadre EELV local à ne pas y être allé de son commentaire sur la guerre Piolle/Ferrari qui fait couler tant d'encre depuis une semaine. Pas folle la guêpe : il ne voudrait pas risquer de perdre des voix d'élus pro-Ferrari. Après avoir mis son camp dans l'embarras en sortant sa croisade pour le burkini en plein milieu des législatives l'an dernier, Piolle récidive en créant une guerre au sein de la gauche locale à quelques semaines des sénatoriales. Que les Grenoblois se rassurent : il ne sont pas les seuls à qui il pourrit la vie, il ne peut pas s'empêcher de créer des difficultés à son propre camp.

LE RAPPORT DE FORCE LARGEMENT DÉFAVORABLE POUR LA GAUCHE EN 2017...

Ces divisions ne sont pas anodines, car les sénatoriales se jouent à peu de voix et le rapport de force est déjà au départ défavorable à la gauche. En 2017 en Isère, pour 5 sièges à pourvoir, la droite obtient 2 Sénateurs (Michel Savin et Frédérique Puissat), EELV 1 Sénateur (Guillaume Gontard), le PS 1 Sénateur (André Vallini) et LREM 1 Sénateur (Didier Rambaud). À noter qu'il y avait de multiples listes dissidentes de la droite et du centre : le binôme Savin/Puissat aurait pu décrocher un troisième siège sans elles (au détriment du siège de LREM). 

Le résultat des sénatoriales 2017 en Isère (capture d'écran Wikipédia).

... QUI POURRAIT NE PAS S'ARRANGER EN 2023

En 2023, quel rapport de force ? Il faut pour cela se pencher sur les résultats des élections locales, puisque seuls les élus votent aux sénatoriales. Or, la droite a fait des scores historiques aux municipales en Isère, mais aussi aux départementales et aux régionales avec un nombre impressionnant d'élus. Si elle part sans trop de listes dissidentes, elle pourrait potentiellement emporter un troisième siège... et plutôt au détriment de LREM, qui a complètement raté le coche des élections locales et qui ne bénéficie plus du tout de la popularité présidentielle de 2017. Resteraient 2 sièges pour la gauche, comme actuellement : mais là encore, une gauche trop divisée pourrait bien perdre un siège au profit de la majorité présidentielle. Et la grande majorité des voix de gauche étant issues de la métropole, territoire le plus favorable pour elle du département, il n'y a pas à avoir fait maths sup pour comprendre que la guerre des gangs Piolle/Ferrari, initiée par le Maire de Grenoble qui ne digère toujours pas sa défaite de 2020, pourrait faire de lourds dégâts si elle se traduit bien en bisbilles aux sénatoriales.

ENCORE ET TOUJOURS LES QUERELLES D'EGO

Ces querelles de chapelles contrastent fortement avec le lancement de campagne hier de Michel Savin et Frédérique Puissat, les sénateurs LR sortants en compagnie du Président du Sénat Gérard Larcher. Quand la gauche en est aux négociations d'arrière-boutiques et aux querelles d'étiquettes, mise en vrac par des personnalités irréconciliables, les candidats de la droite apparaissaient sereins, bien dans leurs baskets et clairs dans leurs convictions, parlant, eux, des institutions, de la défense des intérêts des communes et du lien avec les territoires. Morceau choisi de l'intervention de Gérard Larcher dans le Dauphiné Libéré : "Il faut continuer à dialoguer et ne pas offrir les mêmes images impensables que donne à voir l’Assemblée nationale. Ce n’est pas comme cela qu’on redonnera confiance dans nos institutions. Or, on a justement besoin de retrouver cette confiance et une certaine sérénité car le pays est aujourd’hui fragmenté, divisé…". Une remarque que feraient bien de méditer (et mieux encore, d'appliquer) certains à Grenoble et dans la Métropole.

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