ZFE : LE NON-SENS DE LA « ZONE À FORTE EXCLUSION »

Alors que la mise en place de la ZFE est au cœur des débats, notre collectif tenait à revenir sur le non-sens que constitue ce dispositif, qui exclura les plus précaires. 

LES PROFESSIONNELS PREMIERS PÉNALISÉS

Depuis juillet 2022, les véhicules professionnels (poids-lourds et utilitaires) Crit'air 3, 4 et 5 sont déjà interdits dans 27 communes de la métropole. Conséquence : de nombreuses petites entreprises et artisans n'ont pas les moyens de remplacer leur véhicule, et les alternatives non-polluantes aux véhicules professionnels ne sont de toute façon pas encore suffisamment développées. Un plombier Grenoblois a par exemple déménagé son entreprise en périphérie de la Métropole, car on ne lui proposait comme remplacement à son crit'air 3 qu'un véhicule à hydrogène qui coûte plus de 100 000 euros ! Il n'en a évidemment pas les moyens. 

Le calendrier d'application de la ZFE pour les professionnels. Source : site de la métropole.

AU TOUR DES PARTICULIERS

Les particuliers s'apprêtent également à subir l'interdiction à partir de juillet 2023. D'ici à 2025, près de 40 000 véhicules seront ainsi interdits de circulation dans 13 communes de la Métropole. 

Le calendrier d'application de la ZFE pour les particuliers. Source : site de la métropole.

UNE OBLIGATION LÉGALE...

La loi LOM (2019) puis la loi "climat et résilience" (2021) ont imposé la mise en place de ZFE à 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants. Notons qu'Emilie Chalas, qui se plaint désormais du calendrier d'application et déplore le manque d'aides, a fermement soutenu cette loi et défendu la ZFE. Celle qui a refusé une alliance pour mettre fin aux années Piolle en 2020, et qui s'est faite balayer aux législatives en juin dernier, est donc dans une posture purement politicienne pour tenter de rallier les opposants aux verts/rouges, alors qu'elle est aussi responsable de la situation.

... MAIS LA MÉTROPOLE VEUT ALLER PLUS LOIN...

La loi impose que seuls les véhicules Crit'air 1 et 2 pourront rouler dans la ZFE Grenobloise d'ici 2025. Mais la Métropole veut aller plus loin, en envisageant l'interdiction des Crit'Air 2, soit de tous les diesels, avant 2030. La calendrier d'interdiction des Crit'air 3, 4, 5 est déjà une grosse contrainte, mais l'interdiction des diesels serait un véritable coup de poignard pour ceux qui ont acheté un véhicule diesel récent récemment et ne pourront plus le faire circuler. 

LE CONTOURNEMENT DE LA CONCERTATION

Pour faire avaler la pilule, la Métropole a lancé une concertation, avec des réunions publiques auxquelles peu de personnes participent. Comme d'habitude avec ce genre d'exercice, les dés sont pipés d'avance. Alors que la concertation est en cours, Pierre Verri (Vice-Président de la Métropole chargé de l'air, de l'énergie et du climat) explique déjà dans Le Dauphiné Libéré du 17 novembre qu'ils s'orientent vers une ZFE de 7h à 19h cinq jours sur sept. Ils n'ont pas eu besoin d'attendre les avis des habitants de la Métropole pour choisir. 

La Métropole organise une concertation pour donner l'illusion de la participation citoyenne.

LE GROUPE D'ERIC PIOLLE N'EST TOUJOURS PAS SATISFAIT

Malgré des contraintes déjà énormes, les élus du groupe d'Eric Piolle ne sont toujours pas satisfaits et veulent aller encore plus loin. Dans le Dauphiné Libéré du 3 octobre, Chloé Pantel et Laurent Amadieu (EELV) appelaient ainsi à "ne pas trainer des pieds". Ils voudraient une ZFE plus large géographiquement, un calendrier d'interdictions plus rapide et plus poussé. Les "écolos", fidèles à leur fond de commerce qui agite peurs et contrevérités, poursuivent leur fuite en avant du "toujours plus".

LES MESURES DE COMPENSATION NE SONT PAS À LA HAUTEUR

Sauf que ce "toujours plus" va être une catastrophe sociale. Les mesures de compensation pour le changement de véhicule sont loin d'être à la hauteur. Les primes de l'Etat ne compensent pas, loin de là, l'achat d'un véhicule électrique. Celles de la Métropole sont également loin d'être à la hauteur. Pierre Verri annonce 20 millions d'euros pour le remplacement des Crit'air 4 et 5, soit pour 13 000 véhicules du territoire métropolitain : soit en moyenne une aide de 1500 euros par véhicule, bien loin du prix d'achat d'une voiture électrique...

LA DISTINCTION DES VÉHICULES N'A AUCUNE LOGIQUE

La ZFE est d'autant plus vide de sens que les critères de classification Crit'Air n'ont pas de sens. La vignette ne prend en compte qu'un argument d'ancienneté et non un critère de pollution réelle. Certains diesels, interdits très rapidement, sont pourtant moins polluants que des essences Crit'Air 3 grâce aux efforts des constructeurs !

La classification des véhicules en fonction de leur ancienneté.

LA POLLUTION DÉPLACÉE

Derrière les autosatisfecits de ceux qui pensent sauver la planète avec cette mesure, une donnée est constamment oubliée : le fait que la ZFE va simplement délocaliser la pollution. Les Crit'air 5, 4, 3 sont promis à une vie encore longue, revendus dans des pays où les normes environnementales sont bien plus souples. Et il y a une véritable tartufferie à faire acheter des véhicules électriques pour moins polluer ici... mais ainsi exposer les populations des pays qui exportent les matériaux nécessaires aux batteries à la pollution et aux dangers pour la santé que représente cette activité. En outre, les promoteurs de la ZFE ne semblent pas s'émouvoir d'une mesure qui vise à augmenter le nombre de véhicules électriques... alors qu'on demande aux Français de faire davantage d'économies d'énergies et notamment d'électricité, dans un contexte inflationniste et de tension du réseau. 

CATASTROPHE SOCIALE EN PRÉVISION

C'est donc une véritable "zone à forte exclusion" qui se profile. Car les plus aisés n'auront aucun mal à changer de véhicule. Mais les plus précaires payeront très cher l'interdiction. Tous ne peuvent pas circuler en vélo, ou en transports en commun (la fracture métropolitaine qui paralyse le territoire et fait qu'aucun investissement n'a permis de développement du réseau en 8 ans y est pour beaucoup). Ceux-là seront donc condamnés à revendre leur véhicule pour un prix bien inférieur, et à s'endetter considérablement pour en acheter un plus propre... qui sera peut-être lui aussi interdit dans quelques années ! "Il n’existe pas de voitures entrant dans la ZFE à 3 000 euros !", explique dans Le Dauphiné Pierre Chasseray (porte-parole de l’association “40 millions d’automobilistes”) pour défendre les moins aisés, par exemple les étudiants, nombreux à Grenoble. La ZFE prend aux pauvres pour n'enrichir personne, et en prime elle ne contribue qu'à déplacer la pollution. 

JEAN-PIERRE BARBIER : "ON NE PEUT PAS IMPOSER QUELQUE CHOSE AUX GENS S'IL N'Y A PAS DE SOLUTION DE RECHANGE !"

Le Président du Département Jean-Pierre Barbier a fait voter un vœu pour demander le report de l'application de la ZFE lors de la séance du conseil départemental de vendredi dernier. Dans Place Gre'Net, il s'insurge contre la ZFE imposée, en l'absence d'alternatives suffisantes (transports collectifs, parking-relais...). 

Le Président du Département Jean-Pierre Barbier (ici avec Alain Carignon) est vent debout contre la ZFE.

VINCENT CHRIQUI : "UN INSTRUMENT DE SÉGRÉGATION SPATIALE ET SOCIALE"

Vincent Chriqui, Maire de Bourgoin-Jallieu et conseiller départemental, enfonce le clou : « la ZFE est un instrument de ségrégation spatiale et sociale ». Il pointe d'ailleurs qu'en 2023, seront pénalisés 2% des véhicules du territoire métropolitain, soit un impact minime pour la pollution, qui justifierait un report pour laisser le temps à ces 5200 automobilistes de trouver des alternatives. 

JULIEN POLAT : "DES INCOHÉRENCES MAJEURES"

Dans une brillante intervention, Julien Polat, Maire de Voiron et Vice-Président du Département, a rappelé les incohérences du dispositif. Une grosse cylindrée essence qui consomme beaucoup pourra ainsi rouler dans la ZFE car elle est neuve. Des milliers de véhicules récents qui fonctionnent seront bannis, entrainant un achat massif de nouveaux véhicules, soit un bilan carbone catastrophique. Et le réseau électrique, affaibli par l'abandon du nucléaire (notamment à cause du lobbying de ceux qui se disent "écologistes") est bien incapable d'absorber la recharge d'un nombre important de véhicules électriques. 

LA GAUCHE SE FRACTURE SUR LE SUJET

Même la gauche se fracture sur le sujet. David Queiros, Amandine Demore, Daniel Bessiron (communistes) et André Vallini et Amélie Girerd (socialistes) se sont abstenus sur le vœu de report de la ZFE en pointant un dispositif "discriminatoire" et des aides pas à la hauteur. Dans le Dauphiné, le Collectif pour la gratuité des transports publics de l’agglomération grenobloise (constitué de syndicats et politiques de gauche) dénonce dans Le Dauphiné une solution "injuste et inefficace" et "qui va être une bombe à retardement sociale". Pas de quoi faire entendre raison aux faux prophètes et autres ayatollahs de l'écologie politique. 

Le CGTPAG a même organisé une manifestation contre la ZFE. La gauche tire contre son camp.

ALAIN CARIGNON : "UNE POSITION DOGMATIQUE ET IDÉOLOGIQUE"

Lors du conseil métropolitain, vendredi dernier, le Président du Groupe d'Opposition a dénoncé la fracture de la majorité métropolitaine concernant le calendrier d'application de la ZFE, et les positions dogmatiques et idéologiques qui risquent de pénaliser les habitants. À l'occasion d'une délibération proposant le vote d'une aide pour l'acquisition d'un vélo, il a également rappelé que seuls 7% des métropolitains se déplacent en vélo. Et que plus de 40% des déplacements à Grenoble se font à pied, alors que le piéton demeure le parent pauvre de la politique grenobloise et métropolitaine. 

L'intervention d'Alain Carignon lors du conseil métropolitain.

UNE ASSOCIATION DE MÉTROPOLITAINS SE STRUCTURE

Face à ces incohérences et aux problèmes que soulèvent cette ZFE, une association d'habitants de la Métropole se structure pour faire entendre la voix des citoyens qui refusent la catastrophe annoncée et proposer des solutions alternatives soutenables : NON A LA ZONE A FORTES EXCLUSIONS METRO GRENOBLE 2023. Pour vous joindre aux réflexions et actions, n'hésitez pas à les contacter par mail : nonzonefortesexclusionsmetro@gmail.com 

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