NEYRPIC : LA CHASSE AUX COMMERÇANTS DU CENTRE EST OUVERTE

Dans quelques semaines, le 2 octobre, le centre-commercial Neyrpic ouvrira ses portes à Saint-Martin d'Hères. Ce mastodonte d'un autre temps, judicieusement installé à l'entrée de Grenoble ne dissimule pas son ambition : aspirer la clientèle du centre-ville.

NEYRPIC DÉMARCHE LES COMMERCES DU CENTRE

Le Dauphiné Libéré d'hier (17 août 2024) révèle ainsi que le promoteur de Neyrpic (le groupe Apsys) a contacté plusieurs commerces installés à Grenoble pour leur proposer de s'installer dans son nouveau centre commercial. Un commerçant qui a décliné la proposition relève : "il m’a semblé qu’il n’y avait pas de réflexion, ils ont démarché toutes les boutiques". À deux mois de l'ouverture, c'est une opération géante de démarchage sauvage.

Neyrpic, qui se veut aspirateur à consommateurs à l'entrée de Grenoble, ouvrira en octobre prochain.

"NOUS VISONS LES HABITANTS DU GRÉSIVAUDAN"

En juin 2020, interviewé par le journal La Tribune, le PDG du groupe Apsys était très clair quant à ses intentions : "nous visons en premier lieu les habitants de la vallée du Grésivaudan, car ils ont aujourd'hui du mal à accéder à l'hyper-centre". Cet espèce de braconnage des commerçants du centre est donc la déclinaison logique de cette ambition : quoi de mieux que de délocaliser les boutiques grenobloises à Neyrpic pour s'assurer que la clientèle extérieure qui les fréquentait y vienne ?

APSYS ESSUIE DE NOMBREUX REFUS... 

Le journaliste du DL Ancelin Faure a interrogé nombre de commerces et beaucoup d'entre eux ont refusé la proposition. En cause : des coûts exorbitants (près de 3000 euros hors taxes en loyer + charges pour 22m2 de boutique éphémère !), et pour les indépendants la certitude que cet hyper-centre ne correspond pas à leur clientèle en quête de proximité. Mais Neyrpic risque avant tout de faire appel d'air pour les consommateurs à la recherche d'enseignes de chaines, de vêtements, de restauration... 

... MAIS MET TOUT EN PLACE POUR VIDER LE CENTRE

... et si ces clients vont à Saint-Martin d'Hères, ils déserteront le centre de Grenoble et constitueront autant de passants, de flâneurs et d'opportunités en moins pour les petits commerces indépendants. La propriétaire d'un magasin de décoration s'alarme : "il y a beaucoup de boutiques qui partent à Neyrpic. Le centre-ville est en train de se vider et ça fait peur. Je trouve que c’est dommage". Elle relève d'ailleurs que l'ouverture est programmée pour le début du dernier trimestre, soit celui où les commerçants réalisent le plus de chiffre...

L'EXEMPLE DU SUD GRENOBLE AVEC GRAND PLACE

Il sera impossible de dire qu'on ne savait pas puisque on a déjà un exemple local de ce qu'entraine ce type de centre-commercial. La gauche d'Hubert Dubedout (le "père des quartiers" encore idole des Verts et de leurs alliés aujourd'hui malgré les résultats) a créé Grand Place dans les années 70, entre Grenoble et Echirolles. Résultat : ce temple de la consommation a complètement asséché les commerces du sud de la ville et y est devenu la seule polarité commerciale qui fonctionne. À la Villeneuve, Place des Géants, le dernier commerce de proximité qui résistait a fermé il y a quelques semaines.

grand place commerce grenoble
En fin d'année dernière, l'inauguration de Grand Place, ce temple de la consommation, a été inaugurée. 16 000m2 et 30 enseignes supplémentaires renforçant encore son hégémonie sur le sud Grenoble.

LE SERPENT QUI SE MORD LA QUEUE

Inutile de blamer Apsys, promoteur qui ne fait que saisir une opportunité économique (sa raison d'être). Il faut plutôt regarder comment nous en sommes arrivés là, et la réponse tient en deux mots qui sont à la fois la cause de son implantation et seront aussi la conséquence de l'ouverture de Neyrpic : manque d'accessibilité (pénurie et prix exorbitant du stationnement) et manque d'attractivité du centre (problèmes de propreté, incivilités, insécurité) qui n'incitent plus la clientèle extérieure à se rendre à Grenoble.

LA CÔTE D'ALERTE EST ATTEINTE

Tous les indicateurs sont à ce propos très clairs et montrent bien que la côte d'alerte est atteinte pour le centre-ville de Grenoble. Toutes les données confirment l'uniformisation dangereuse des commerces, avec une chute de tous les types d'enseignes sauf celles de restauration... et plus particulièrement de restauration rapide. La part de commerces traditionnels implantés dans le centre est inférieure à la moyenne des autres métropoles. Et l'analyse des chiffre d'affaires montre également que notre ville décroche par rapport aux autres. 

Le décrochage du centre-ville grenoblois par rapport à la moyenne de l'agglomération et à la moyenne nationale.

VILLE ET MÉTRO MÈNENT UNE POLITIQUE COMMERCIALE D'UN AUTRE TEMPS... 

Bien sûr, le commerce traditionnel rencontre des difficultés liées à un contexte global de changement des modes de consommation. Mais si Grenoble décroche ainsi, c'est bien qu'il y a une explication locale : cette politique municipale et métropolitaine qui ne prend jamais en compte les enjeux d'accessibilité et d'attractivité évoqués plus haut, car elle est toute entière tournée vers le dogme et/ou se contente de comm'. Plus directement encore, il convient de rappeler que la métropole a approuvé la construction de Neyrpic (les élus Verts d'Eric Piolle ont laissé faire), et que ville et métro ont accompagné l'extension de Grand Place. Derrière Apsys et ces centres-commerciaux dangereux pour les petits commerçants, il faut regarder qui les laisse s'implanter.  

... PUIS SE RÉFUGIENT DANS DES INCANTATIONS PATHÉTIQUES

Le Dauphiné (qui curieusement ne soulève pas ces responsabilités) rappelle en revanche les éléments de la langage de la dernière délibération métropolitaine pour le commerce, présentée par Barbara Schuman (vice-présidente au commerce, ex Piolliste exclue mais qui continue de défendre la même politique que son homologue LFI adjoint à la ville, Alan Confesson). La solution miracle selon l'élue : « une vision engagée du commerce de demain, éthique, local, écoresponsable et inclusif ». Derrière la poésie, ça se traduit en fait par la création d'un énième "office métropolitain pour le commerce" dont on ne comprend pas ce qu'il fera de différent par rapport à aujourd'hui. Si ce n'est complexifier encore le sujet en ajoutant un interlocuteur. 

LES ÉLUS N'ONT PAS JOUÉ LEUR RÔLE

Lors de ce conseil métropolitain justement, Alain Carignon rappelait ce qui devrait être une évidence si le bon sens guidait l'action des Verts et de leurs amis : "le rôle des collectivités est principalement de créer un environnement favorable au commerce". Donc simplement de créer les conditions d'accessibilité et d'attractivité nécessaires au développement économique. 

Tant que ville et métropole en resteront au stade des plans, des stratégies et autres documents d'intentions, usines à gaz dénuées d'effets concrets alors qu'ils s'enchainent, et tant qu'ils avaliseront des projets commerciaux contraires à ce qu'ils prônent dans les discours, le déclin de nos commerces grenoblois se poursuivra. Et avec eux celui de la ville dans son ensemble, toujours davantage paupérisée. RDV dans quelques mois pour découvrir l'impact de Neyrpic. 

 

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