L’OMBRE DES AFFAIRES PLANE SUR LE CONSEIL MUNICIPAL

Le conseil municipal se réunissait hier, au milieu d'une actualité très chargée entre résultats des européennes, élections législatives anticipées et surtout l'explosion des affaires Piolle/Martin qui sont revenues à plusieurs reprises dans les débats.

LA PETITE MANIF D'EMILIE CHALAS ET DELPHINE BENSE (LREM/MODEM) ...

La journée avait commencé par un appel au rassemblement devant le conseil municipal lancé par Emilie Chalas (majorité présidentielle). Après avoir beaucoup parlé de présomption d'innocence au moment où l'affaire a éclaté, l'ex Députée LREM à nouveau candidate aux législatives avait finalement lancé un appel à manifester sur le thème de "rendez l'argent". Toute ressemblance entre cette initiative et le premier tour des élections qui l'opposent à Elisa Martin n'est évidemment que purement fortuite... Mais malheureusement, la présidente du groupe LREM/Modem au conseil municipal a démontré son peu de capacité de mobilisation avec une très faible affluence devant l'hôtel de ville. 

La petite manifestation de LREM et du Modem devant le conseil. Le manque de travail et de présence sur le terrain se paye cher pour celle qui a été battue à la députation il y a deux ans...

... PUIS LA SURENCHÈRE VERBALE

Après ce modeste camouflet qui confirme les analyses de tous les observateurs (le rétrécissement de l'espace pour le camp de la majorité présidentielle pour les prochaines municipales), Emilie Chalas a tenu à prendre la parole en début de conseil pour évoquer l'affaire. Si les révélations du Canard Enchainé doivent évidemment ouvrir la porte à des interventions pour obtenir des explications, la forme choisie par la présidente du parti d'Emmanuel Macron en Isère a considérablement desservi le fond de son propos : "minable", "dégueulasse", "du fric au black"... Eu égard à la gravité des faits reprochés, la surenchère verbale n'apporte en l'espèce pas grand chose. 

ALAIN CARIGNON : "ON NE TIRE PAS SUR UNE AMBULANCE" 

L'intervention d'Alain Carignon a été d'une tonalité très différente. Le président du groupe société civile a ainsi ouvert le conseil en rappelant qu'"on ne tire pas sur une ambulance. Je n’en rajouterai donc pas". Il a d'ailleurs concédé qu'Eric Piolle a "incarné en 2014 une certaine dynamique et une intuition juste, celle de la ville apaisée et de son adaptation au changement climatique. Malheureusement elles ont tourné au dogmatisme et à l’écologie punitive et vous êtes devenu par vos maladresses le naufrageur de vos propres idées". 

L'intervention d'Alain Carignon au début du conseil municipal.

LA DEMANDE DE MISE EN RETRAIT

Il a poursuivi en demandant simplement au Maire "d’écouter Raymond Avriller à l’analyse de laquelle j’adhère pour une fois. Votre mise en retrait : je pense qu’elle est  indispensable pour le bon fonctionnement de la ville. Humainement, je comprends que vous hésitiez. Mais à notre époque votre maintien serait politiquement et administrativement inacceptable. J’appelle donc les membres de votre majorité qui ne sont pas compromis dans cette affaire à organiser cette transition nécessaire en son sein". 

"FAIRE PREUVE DE DIGNITÉ DANS L'ÉPREUVE"

"Notre groupe entend faire preuve de dignité dans l’épreuve qui n’est pas seulement la vôtre, mais qui est celle de la ville. Vous avez créé cette situation et je n’insiste pas sur les discours que vous nous avez assénés sur la baisse des indemnités des élus, sur vos leçons de morale qui rendent désormais votre parole publique inaudible, tout ceci est derrière nous. Vous devez sortir de la situation que vous avez créé et cela passe par une décision vous concernan, afin que la ville ne soit pas l’otage de ces procédures. Elle ne supporterait pas de vivre près de deux ans dans la crise compte tenu des difficultés qui sont les siennes. Nous attendons votre décision".

Tweet de Sébastien Mittelberger, patron de presse bien connu de l'agglomération. De nombreux observateurs ont salué la hauteur de vue et la dignité de l'intervention d'Alain Carignon.

DOMINIQUE SPINI : "JE N'AI PAS LA MÊME CHARITÉ CHRÉTIENNE"

Dominique Spini, élue du groupe d'opposition, est également intervenue sur une autre gamme. "Moi, Monsieur le Maire, je voudrais vous dire à titre personnel que je n’ai pas la même charité chrétienne qu’Alain Carignon Je suis écoeurée si ce qu’explique votre ancien collaborateur est vrai parce que vous seriez alors définitivement un pitre qui ne fait rire personne et qui se moque du monde" a-t-elle lancé.

"JE VOUS DEMANDE DE REVENIR SUR TERRE : PARTEZ !"

La suite de son intervention n'a pas plus épargné Piolle : "je vous demande de revenir sur terre. Vous ne serez pas Président de la République. Vous allez devenir un ancien Maire de Grenoble qui termine son mandat dans les pires des conditions. Vous allez devenir un boulet pour votre camp qui ne pourra pas vous prendre sur sa liste et vous allez donc devoir renoncer aussi à la Métropole. (...) Partez, partez. Vous rendrez service à Grenoble qui ne pourra pas vivre encore deux ans au rythme de vos affaires, vous rendrez aussi service à votre majorité que vous entraînez dans votre chute. Pour une fois depuis que vous êtes Maire, prenez en compte la réalité. Ça vous changera et nous aussi. Ce mauvais sketch a assez duré".

SANS SURPRISE, ERIC PIOLLE SE DÉROBE

Comme à son habitude, le Maire a répondu aux remarques en jouant à celui qui serait au-dessus de la mêlée (alors qu'il est dans la fange jusqu'aux genoux), expliquant qu'il refuse de "monter sur le ring politico-médiatique" et tentant de minorer l'affaire qui le vise en osant faire mine de la réduire à une "heure de gloire" de l'opposition ! Fidèle à sa stratégie du déni, il a refusé de se mettre en retrait, arguant simplement qu'en tant que Maire il se déporte de l'affaire pour la médiation avec Enzo Lesourt et pour les accusations lancées par le Canard (encore heureux !). 

NICOLAS BERON-PEREZ À LA RESCOUSSE

C'est à Nicolas Béron-Perez, élu communiste coprésident du groupe de la majorité Verts/LFI, qu'il revenait ensuite de lire une déclaration au nom de la majorité. À l'instar de son chef, lui aussi a tenté de mimer la sérénité en exposant consciencieusement qu'il faut laisser la justice faire son travail. "Nous ne sommes ni justiciers et encore moins inquisiteurs" a-t-il osé lancer, alors qu'ils sont de patentés donneurs de leçons aux autres. 

Nicolas Béron-Perez missionné pour lire le texte rédigé par le cabinet pour faire mine qu'il n'y a aucune gêne à propos de l'affaire au sein des élus Verts/LFI...

LA PARTIE CIVILE DE LA VILLE À L'ORDRE DU JOUR

Un peu plus tard dans le conseil, la 1ère adjointe Isabelle Peters a introduit une délibération proposant que la ville se porte partie civile dans le cadre de cette affaire. La semaine dernière, Alain Carignon et le groupe d'opposition représentés par Me Thierry Aldeguer avaient en effet formulé cette demande pour s'assurer que les intérêts des grenoblois soient défendus dans ce dossier qui concerne de l'argent public. L'adjoint aux finances Vincent Fristot avait confirmé par courrier que le point serait bien à l'ordre du jour.

ISABELLE PETERS PROPOSE VINCENT FRISTOT

Mais en présentant la délibération, Isabelle Peters a proposé... ce même Vincent Fristot comme élu représentant de la ville partie civile. Une proposition évidemment inacceptable car, comme l'avait rappelé Me Aldeguer dans son courrier, "aucun membre de votre majorité n’est susceptible de recevoir cette mission". En effet, toute la lumière n'est pas encore faite sur les élus Verts/LFI susceptibles d'avoir été au courant, s'ils sont avérés, des faits dénoncés par le Canard. Et Vincent Fristot figure même sur la liste publiée par Place Gre'net des élus qui auraient bien été informés ! 

ALAIN CARIGNON : "C'EST UNE PROVOCATION"

La proposition n'a évidemment pas emporté l'adhésion du groupe société civile à l'origine de la demande de partie civile. Alain Carignon a immédiatement réagi : "la proposition de désigner Vincent Fristot est une provocation. La majorité ne peut pas être partie civile, prendre le risque d'être juge et partie. Vincent Fristot est cité comme ayant été éventuellement informé des faits éventuellement délictueux reprochés, c’est donc doublement impossible de le désigner. Ça ne serait pas raisonnable, la règle démocratique voudrait que vous désigniez quelqu’un de l’opposition".

Alain Carignon hier en conseil municipal, ici aux côtés de Nathalie Béranger, conseillère régionale et municipale, candidate (LR) aux élections législatives sur la 1ère circonscription.

"VOUS DEVEZ AUX GRENOBLOIS LA CLARTÉ ET LA TRANSPARENCE"

Il a tenté de mettre en garde la majorité : "je vous le dis très sincèrement, si la procédure se poursuit tel que cela semble se profiler, on a beaucoup d’élus qui vont être convoqués, donc comment ça se passerait si votre élu désigné est convoqué pour avoir lui-même à s’exprimer ? J’imagine que c’est difficile pour vous tous, mais vous ne pouvez pas vous laisser corneriser et agir ainsi. Vous devez aux grenoblois la clarté et la transparence, et si vous désignez Vincent Fristot vous êtes en danger".

LE MÉPRIS D'ISABELLE PETERS ...

Alain Carignon a donc logiquement proposé la candidature de Brigitte Boer, coprésidente du groupe, pour représenter la ville partie civile. Une solution logique puisqu'elle appartient au premier groupe d'opposition, choisi par 1/4 des grenoblois aux dernières élections. En réponse à quoi la première adjointe n'a trouvé rien de mieux à faire qu'ironiser, comme si la gravité du sujet le permettait : "on vous remercie de prendre soin de nous, mais on va laisser les allégations aux allégations, ça ne change rien". Circulez y'a rien à voir, avec son mépris habituel. 

... ET LE CHOIX DANGEREUX DE VINCENT FRISTOT

Après une interruption de séance, le choix de la partie civile a eu lieu à bulletins secrets. Cécile Cénatiempo (PS), candidate soutenue par l'opposition de gauche (mais issue d'une liste qui a fait 11% aux municipales...), s'est également portée candidate, divisant les voix des élus hors majorité. Sans grande surprise, la majorité a donc désigné Vincent Fristot. Ce faisant elle a ouvert la porte à de gros problèmes à venir : que se passera-t-il si dans les semaines, mois à venir, le représentant de la ville est convoqué dans le cadre de l'enquête pour être entendu ? N'y aura-t-il pas conflit d'intérêt avec son rôle de partie civile ?

Vincent Fristot (ici aux côtés de Raymond Avrillier), vieille lune Verts/ADES élu depuis 30 ans, dévoué au système, avait déjà été désigné représentant de la ville partie civile dans le dossier de la fête des tuiles qui avait valu condamnation à Piolle. Il avait brillé par son inutilité et son peu d'entrain à défendre les intérêts des grenoblois.

L'AFFAIRE VA POURRIR LA FIN DE MANDAT

L'affaire révélée par le Canard Enchainé, désormais dans les mains du Procureur, est donc loin d'être terminée et devrait connaitre quelques rebondissements à mesure que l'enquête avance. Quelle qu'en soit l'issue, elle marquera au fer rouge la fin de mandat... et va durablement ternir la fin des années Piolle à Grenoble. Il est temps pour notre ville de passer à autre chose et de renouer avec la sérénité et l'apaisement.

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