LE BUDGET DE PIOLLE MENACÉ : LE CONSEIL PEUT-IL ÊTRE MAINTENU?
La procédure juridique contre le budget d'Eric Piolle se poursuit. Le tribunal administratif repousse au 17 mai sa décision concernant la vente des actions de Grenoble-Habitat.
UN SCÉNARIO À LA MARSEILLE ?
L'opposition avait déposé plusieurs recours. Pour ceux d'entre eux qui concernent directement le budget et la hausse de taxe foncière (attaquée également par l'Union Nationale des Propriétaires Immobiliers de l'Isère), les juges ont estimé hier qu'il n'y avait pas d'urgence à trancher. Mais la demande est maintenue sur le fond, et le tribunal tranchera donc dans l'année à venir. Cela pourrait donner une situation similaire à celle de la ville de Marseille, où le budget 2022 a été annulé il y a quelques semaines suite à un recours de l'opposition locale l'an dernier.
GRENOBLE-HABITAT : LA DÉCISION EN SUSPENS
Pour ce qui concerne la vente des actions de Grenoble-Habitat, le tribunal a décidé de repousser sa décision au 17 mai après une nouvelle audience. La décision devait initialement être rendue mardi, puis hier... Mais ce feuilleton juridico-budgétaire court toujours.
UNE LETTRE DU PRÉFET APPUIERAIT L'ILLÉGALITÉ
Cause de ce report : de nouveaux éléments ont été versés au dossier entre temps, par l'opposition socialiste qui attaquait également sur ce sujet. Il s'agirait d'une lettre du Préfet au Maire de la Tronche, qui appuierait l'illégalité de la décision à propos notamment de la nouvelle composition du conseil d'administration de Grenoble-Habitat qui résulterait de la vente des actions. Affaire à suivre le 17 mai, donc.
37 MILLIONS DE RECETTES MANQUANTES ?
Cette vente s'élève, il faut le rappeler, à une recette de 37 millions d'euros pour la ville. Soit environ 80% de ce que rapporte la hausse historique d'impôts (+44 millions) ! Si le juge venait à considérer que la délibération de la ville de Grenoble est illégale, tout le budget serait alors à revoir pour combler ce trou. Et vu comme Eric Piolle a tiré sur la corde de la pression fiscale et de la dette, les portant à des niveaux records, il ne lui resterait plus beaucoup d'options. Les réformes de structures portées par le groupe d'opposition, qui permettraient de réaliser de vraies économies de fonctionnement, seraient-elles enfin étudiées ? On est en droit de rêver.
Me THIERRY ALDEGUER : "DES ÉLÉMENTS NOUVEAUX QUI MENACENT LA VENTE DE GH"
L'avocat du groupe d'opposition, Maitre Thierry Aldeguer, a réagi hier à la décision du tribunal : « Je prends acte de la décision du tribunal administratif qui a accepté l’urgence de notre recours. Je déposerai au plus vite un mémoire d’intervention pour me joindre à la procédure du 17 mai avec les éléments nouveaux fournis par l’échange de correspondance entre le Préfet de l’Isère et le Maire de la Tronche qui menacent la vente des actions de Grenoble-Habitat par la ville de Grenoble. Sur le fond, l'augmentation d’impôts dépasse les normes communément admises en la matière par la législation et la vente des actions de Grenoble-Habitat a été effectuée dans des conditions de légalité contestables, avec un défaut manifeste d’information du Conseil Municipal. Nous allons donc apporter tous les éléments juridiques permettant au tribunal de se prononcer le 17 mai ».
ALAIN CARIGNON : "INUTILE D'AJOUTER LE CHAOS POLITIQUE AU CHAOS FINANCIER"
De son côté, le président du groupe d'opposition Alain Carignon a estimé que le conseil municipal ne pouvait plus délibérer tranquillement : "La décision du tribunal administratif de se prononcer le 17 mai sur la vente des actions de Grenoble-Habitat menace clairement le budget 2023 de la Ville de Grenoble. Je ne vois pas comment dans ces circonstances le Conseil Municipal pourrait délibérer tranquillement lundi 15 mai sur 17 délibérations qui ont pour objet de traiter du règlement de comptes avec les 7 élus exclus de la majorité municipale. Inutile d’ajouter le chaos politique au chaos financier".
UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS SUR LE BUDGET
Cette décision à propos de Grenoble-Habitat est en effet une vraie épée de Damoclès qui pèse au-dessus du budget. On voit mal la pertinence de réunir les élus ce lundi pour un conseil prévu pour finir à 3h du matin avec 117 délibérations, dont 17 d'entre elles sont directement liés à l'exclusion de 7 élus qui n'ont pas voté le budget justement. Car la décision du tribunal 2 jours plus tard pourrait bien rendre inutiles les décisions prises par ce conseil, quasiment toutes liées à l'exécution du budget. Tout pourrait bien être à refaire.
UNE DEMANDE DE REPORT
Le leader de l'opposition a donc officiellement demandé un report du conseil prévu lundi. "Le budget d’Eric Piolle étant menacé je demande un report du Conseil Municipal du 15 mai car la perte de recettes de 37 millions d’euros de la vente de Grenoble-Habitat remettrait en cause toutes les dépenses engagées actuellement. Elle contraindrait à revoir le budget et, nous l’espérons, à enfin entendre nos propositions de réformes de structures pour empêcher que Grenoble continue d’aller dans le mur financier en crevant tous les plafonds de dette, d’impôts et de dépenses de fonctionnement. La situation de notre ville est de plus en plus grave et la majorité municipale de plus en plus rétrécie semble de moins en moins en capacité d’y faire face".
LE SYSTÈME À BOUT DE SOUFFLE
Le budget, coeur du réacteur de la politique d'une collectivité, est donc toujours en suspens. La majorité est atomisée, avec 7 exclus (au total 11 départs d'élus depuis le début du mandat) qui creusent un peu plus l'isolement que connait Eric Piolle et accentuent son repli sur un quarteron de fidèles sectaires. À ce capharnaüm financier et cette crise politique s'ajoute l'ombre des affaires, avec en juin la comparution en correctionnelle de son adjoint Claus Habfast pour l'attribution de marchés lorsqu'il était président d'Alpexpo, et sa propre comparution en appel dans le cadre du dossier de la fête des tuiles. Tout un système à bout de souffle, dont les Grenoblois n'ont plus rien à espérer.