PROCÈS PIOLLE, JOUR 1 : « JE SUIS À L’AISE AVEC CE QUI A ÉTÉ FAIT »
Le procès d'Eric Piolle pour l'attribution des marchés de la fête des tuiles, initialement prévu en mars avant d'être renvoyé, s'ouvrait hier à Valence. Résumé de cette première journée.
[Avant lecture de cet article, nous vous conseillons la lecture de celui-ci et celui-là pour avoir tous les éléments de ce procès en tête]
PARTIE CIVILE DE L'OPPOSITION : ME ALDEGUER OBTIENT DE JOINDRE L'INCIDENT AU FOND
Les débats ont débuté par la demande de constitution de partie civile de Me Thierry Aldeguer, représentant les élus de l'Opposition grenobloise (Alain Carignon, Nathalie Béranger, Chérif Boutafa, Brigitte Boer, Nicolas Pinel, Dominique Spini). En choeur, l'avocat de l'adjoint Vincent Fristot (absent) représentant la ville partie civile, le procureur, et l'avocat d'Eric Piolle ont argumenté pour rejeter cette demande, l'avocat d'E. Piolle osant asséner que "c'est pas le cirque ici", que cette demande "polluerait les débats" et ne serait motivée "que pour avoir deux lignes dans Le Dauphiné". Calmement, Me Thierry Aldeguer, s'appuyant, lui, sur le droit a balayé ces invectives pour rappeler que l'irrecevabilité, en matière de favoritisme, reviendrait à reconnaitre d'emblée la faute. Après une suspension de séance, la présidente a finalement bel et bien été obligée de joindre l'incident au fond... autorisant donc l'avocat de l'Opposition à enfin avoir accès au dossier et à pouvoir participer aux débats.
AGNÈS BILLAT (PRÉSIDENTE DE FUSÉE) NE SAIT RIEN
Les audiences ont ensuite débuté avec celle d'Agnès Billat, la présidente de Fusées. Audition peu fructueuse, tant la Présidente semblait au courant de peu de choses concernant le fonctionnement de son association (elle habite en effet Montpellier et a concédé ne participer en présentiel qu'aux AG), étant incapable de donner des précisions sur la gestion, les personnes employées... Concernant l'affaire elle-même, elle a reconnu n'avoir participé qu'à un déplacement, en janvier 2015, pour parcourir le cours Jean Jaurès et réfléchir à la conception de la fête des tuiles.
PASCAL AUCLAIR (CO-DIRECTEUR DE FUSÉES) MOUILLÉ JUSQU'AU COU
Le co-directeur de Fusées, Pascal Auclair, délégataire de beaucoup de signatures, était lui en première ligne pour la gestion de l'association et dans l'affaire des tuiles, se présentant d'ailleurs comme "l'interface opérationnelle". Il explique que c'est Erwan Lecoeur (directeur de la communication) qui l'a sollicité, mais ne saurait dire pourquoi. Il admet bien avoir produit (en association avec Gilles Rousselot, pas entendu par le tribunal, ensuite écarté des tuiles) une prestation à 38 800 euros pour la conception de la fêtes des tuiles à l'automne 2014. Puis avoir été informé en janvier 2015 par Eric Piolle lui-même qu'il était retenu pour organiser un spectacle pour l'évènement. Mais dit ne s'être jamais posé la question des marchés publics, ni avoir été informé des divergences au sein de la ville à propos de ce marché. Il a ensuite longuement disserté sur le fait que sa création relève d'une prestation artistique unique (ce qui justifierait, pour la défense, l'exemption des procédures normales prévues dans le code des marchés publics). Le tribunal l'a tout de même mis en difficultés, soulignant que la différence entre son spectacle "révolution en cours" et une kermesse est difficilement perceptible... et en pointant que la ville de Grenoble a recruté des salariés liés à l'association fusées, mais que ceux-ci semblaient plus souvent présents dans les locaux de Fusées qu'à la mairie, où même leur chef de service "théorique" ne les connaissait pas !
Me ALDEGUER POINTE DEUX QUESTIONS ESSENTIELLES
Me Aldeguer a ensuite interrogé M. Auclair, en lui demandant ce qui est "unique et exclusif" dans sa prestation, pour justifier la dérogation. Réponse de l'intéressé : "toutes mes prestations sont uniques". Un peu court. Il lui a ensuite demandé si il est faux d'affirmer qu'à partir de 2014 (soit l'élection d'Éric Piolle), les finances de Fusées se sont largement améliorées. Pas de réponse.
PASCAL AUCLAIR SOUTIEN DE PIOLLE, FUSÉES DISTRIBUE SES TRACTS
Au cours de son audition, Pascal Auclair a également assumé avoir signé pour figurer au comité de soutien à Eric Piolle. Et admis que Fusées a facturé des prestations de distribution de tracts en roller (organisés par son fils) à la campagne de Piolle et à l'ADES. Ainsi qu'avoir participé, avec les militants, à l'organisation d'une "soupe populaire artistique" pendant la campagne. Ça commence à faire beaucoup, mais ni la défense ni les juges n'ont souhaité creuser ce sujet pourtant essentiel des services rendus en 2014.
ERIC PIOLLE : "JE SUIS À L'AISE AVEC CE QUI A ÉTÉ FAIT"
L'audition d'Eric Piolle a été conforme à sa stratégie depuis le début : il s'est dédouané de tout. Arguant qu'il n'était informé d'à peu près rien, chargeant l'élu en charge de l'évènementiel Olivier Bertrand (pas entendu par le tribunal, montrant à quel point l'enquête a été bâclée) qui lui serait très en lien avec Erwan Lecoeur et aurait suivi tout le dossier, expliquant ne pas être au courant de la facture de 38800 euros pour la conception, n'avoir eu à donner qu'un avis sur le lieu et arbitré l'organisation d'un carnaval. Le service des marchés publics refuse de donner son visa ? Eric Piolle dit ne pas être informé. Le juge pointe que certains évoquent des "pressions politiques fortes" ? Eric Piolle dit ne pas les avoir ressenti. Il n'a pas non plus d'avis sur l'embauche de personnes liées à Fusées par la ville. Il ne sait pas non plus la procédure, si il y a eu un vrai appel à projet... Bref : le Maire de Grenoble explique qu'il ne sait à peu près rien de ce qu'il se passe dans sa propre administration... mais qu'il est "à l'aise avec ce qui a été fait" !
"JE NE RÉPONDRAI PAS À L'AVOCAT DE M. CARIGNON"
Alors que Me Aldeguer s'apprêtait à interroger Eric Piolle suite à ses explications aux juges, l'avocat du Maire s'est violemment emporté, expliquant que son client ne répondrait pas aux questions de ceux qui "profitent des lacunes du système judiciaire français". Lorsque la règle ne leur convient pas, c'est donc une lacune : voilà qui fleure bon les grandes heures de l'extrême-gauche, son goût prononcé pour la démocratie et l'état de droit... quand il les arrange. Eric Piolle a renchéri : "je confirme que je ne répondrai pas à l'avocat de M. Carignon". Fidèle à lui-même dans sa fuite en avant.
PAUL COSTE (DGA DE LA VILLE) : "JE SUIS CONSCIENT AUJOURD'HUI QU'ON A DÉROGÉ AUX RÈGLES"
Paul Coste, à l'époque directeur général adjoint des services de la ville, était absent pour cause de COVID. La Présidente a néanmoins lu une synthèse de sa déposition. À propos des élus, il a déclaré qu'"on sentait que le rappel des règles les empêchait de mettre en place leur projet politique". Il évoque un enjeu politique très fort autour de la fête des tuiles, "l'administration ne pouvait pas se mettre en travers du projet". Et de conclure : "je suis conscient aujourd'hui qu'on a clairement dérogé aux règles des marchés publics".
CARMEN GODET-CONTAMIN (SERVICE ACHAT DE LA VILLE) DÉVOILE LES QUERELLES INTERNES
Carmen Contamin, alors employée au service achat de la ville, qui a suivi ces marchés, a ensuite expliqué qu'Erwan Lecoeur lui avait présenté le projet comme une prestation artistique, ce qui justifierait la dérogation au code des marchés publics. Elle a également longuement détaillé les querelles entres les services, l'absence en 2015 puis le refus en 2016 de visa des marchés publics, certains estimant bien que l'objet du marché devait faire l'objet d'une mise en concurrence, et une forme de "passage en force" en raison du timing restreint pour l'organisation du spectacle. Elle a admis qu'un refus de visa des marchés publics est rare. Et la juge d'enfoncer le clou : "est-ce habituel qu'une structure soit candidate alors qu'elle a elle-même créé le cadre ?"...
ERWAN LECOEUR (DIRECTEUR DE LA COMM) TENTE DE JUSTIFIER LE RECOURS À FUSÉES
La journée s'est terminée par l'audition d'Erwan Lecoeur, alors directeur de la communication de la ville. Qui a passé un long moment à essayer de justifier que lui et ses services s'occupaient de la fête des tuiles (malgré une conception par Auclair et Rousselot à 38 800 euros...) et que Fusées s'occupait du "spectacle". Qu'il a bien procédé au recrutement des personnes liées à Fusées à la ville, mais qu'elles travaillaient avec lui sur l'organisation de la fête, pas pour Fusées (même si elles semblaient plus souvent dans leurs locaux qu'à la mairie, où elles n'avait pas de vrais bureaux mais des "bureaux flottants", comprendre un endroit où elles pouvaient aller mais n'allaient pas). Les juges ont pointé qu'Erwan Lecoeur affirme avoir vu Pascal Auclair la première fois pour une réunion de préparation à laquelle il a convié de nombreux acteurs culturels... tandis que Pascal Auclair avait expliqué plus tôt avoir été sollicité par Erwan Lecoeur pour la fête des tuiles. L'ex directeur de la communication répond qu'il n'arrive pas à répondre avec précision. Il ressortira également que la limite semble ténue entre "l'ingénierie culturelle" des services et le spectacle de Fusées.
ERIC PIOLLE ET ERWAN LECOEUR : "ON NE SE CONNAIT PAS PARTICULIÈREMENT BIEN"
C'est ce qu'a osé affirmé Eric Piolle lors de son audition. Selon lui, E. Lecoeur n'aurait participé qu'à deux temps lors de sa campagne municipale. Voici pourtant ce qu'affirmait le site Rue89Lyon, jamais démenti, à propos des deux hommes : "Le courant était passé. Ils avaient ensuite échangé à de nombreuses reprises. D’abord de manière informelle sur l’action régionale des écologistes, puis plus concrètement sur l’ambition d’Eric Piolle de briguer la mairie de Grenoble. Comme au théâtre, alors que le programme s’élaborait sur scène entre les différentes formations politiques de la future coalition, Erwan Lecoeur soufflait à distance, depuis les coulisses, quelques orientations stratégiques au candidat Piolle et à son équipe". Étrange pour des individus qui ne se connaissent "pas particulièrement bien". De là à y voir une réécriture de l'histoire pour trouver une version plus arrangeante...
L'AVOCAT DE LA PARTIE CIVILE ABSENT DES DÉBATS
On notera l'absence de Vincent Fristot, l'adjoint au Maire censé représenter la ville partie civile, et la transparence de son avocat intervenu deux, trois fois maximum en près de 10h de débat, sans jamais éclairer un quelconque aspect avec ses questions. Confirmant les craintes que formulait l'Opposition quant à cette partie civile trop proche d'Eric Piolle (l'avocat en question s'est montré très amical avec Odile Barnola, la directrice de cabinet du Maire qui a assisté à toute la journée d'audience sur les bancs du public en compagnie de Vincent Comparat, l'éminence de l'ADES et pilier du système Avrillier).
UN DÉBAT TECHNIQUE QUI S'ÉCARTE D'UNE QUESTION MAJEURE
Les débats d'hier ont donc été essentiellement techniques, portant sur la notion de spectacle ou non, avec un Eric Piolle se dédouanant de toute responsabilité dans le processus de décision. De nombreuses questions n'ont ainsi pas été développées, la plus importante étant : le choix de Fusées pour un devis à 38 800 euros pour un maigre document, puis pour les deux éditions de la fêtes des tuiles pour environ 300 000 euros, constituait-il une forme de renvoi d'ascenseur pour le soutien aux municipales ? Espérons que les débats du jour, que nous vous relaterons demain matin, permettront d'y voir plus clair.
Comme toujours Piolle n’est jamais responsable de rien.
Mais au quotidien il enrégimente tout, place ses pions partout, et piétine allègrement les avis des grenoblois. Par ex., il a décidé seul de fermer la route de la Bastille.