MONNAIE LOCALE : LE COÛTEUX ÉCHEC GRENOBLOIS

Lundi, au détour d'une délibération retraçant la lente agonie du CAIRN, le conseil municipal a débattu de cette monnaie locale qui fut un grand projet piollesque et a aujourd'hui sombré dans l'oubli faute d'utilisateurs malgré la centaine de milliers d'euros d'argent public investi.

UNE VIEILLE LUBIE

Lancée en grande pompe en 2017, la monnaie locale était censée révolutionner l’économie grenobloise en « démocratisant » les échanges. La municipalité promettait alors une monnaie accessible à tous, dépassant les clichés de la niche pour bobo-écolo ("ce n'est pas que pour les mangeurs de quinoa", clamait l'adjoint au Maire, Pascal Clouaire, des années avant sa rupture avec le système Piolle). Le constat est aujourd'hui accablant : loin de s’imposer, le CAIRN s'est planté en beauté. 

On retrouve effectivement tous les poncifs de la niche écolo pour vendre le CAIRN. Source : https://www.cairn-monnaie.com/

DES MOYENS COLOSSAUX

Les moyens déployés pour faire décoller le CAIRN ont pourtant été énormes. On ne parle pas d'une petite initiative par quelques personnes dans leur coin, mais bien d'un projet grassement financé par l'argent public de la collectivité : plus de 160 000 euros de subventions en cinq ans (35 000 euros au début puis 25 000 euros en 2021), d'abord par la ville de Grenoble puis par la métropole. Ça fait très cher la plantade, payée par le contribuable. 

LA VILLE MET TOUT EN PLACE POUR SOUTENIR LE CAIRN 

Au début, tout a été mis en place pour faire décoller l'opération. En 2019, la municipalité avait même signé une convention avec l'association gestionnaire de la monnaie pour permettre aux élus et aux agents de percevoir une partie de leurs rémunérations en CAIRN. Les services gérés en régie par la ville (comme par exemple le musée) ont également ouvert dès 2018 la possibilité pour les usagers de payer en CAIRN. Et forcément le tout avait fait l'objet d'une vive communication. 

38 EUROS DE RECETTES EN CAIRN ET 1 ÉLU BÉNÉFICIAIRE !

Pour quel résultat ? En 2019, à l'apogée de la comm' autour du CAIRN, la ville a perçu 942 euros de recettes en CAIRN via ses régies. En 2023, cette somme est tombée à ... 38 euros. En 2019, 4 élus et 4 agents avaient par ailleurs signé pour percevoir une partie de leur salaires / indemnités en monnaie locale. En 2024, il ne reste plus que ... 1 élu et aucun agent ! Le gadget n'a pas séduit et a vite fait pschit y compris parmi ses principaux promoteurs. 

Le déclin du CAIRN. Source : ville de Grenoble.

LA MÉTROPOLE SE RETIRE

Tout le monde retire petit à petit ses billes du projet. En 2022, la métropole avait mis fin à son (coûteux) soutien financier au CAIRN (après la réduction de sa subvention l'année précédente), comme cela était prévu à la base. La monnaie locale avait en effet 5 ans pour trouver d'autres investisseurs que la métro... mais sans surprise, aucun privé et aucune autre collectivité n'a souhaité s'engouffrer dans un tel investissement resté cantonné à une poignée de militants.

COMMERÇANTS ET UTILISATEURS AUSSI 

Militants qui ont d'ailleurs eux-mêmes fondu comme neige au soleil en à peine quelques années. Des 250 commerçants acceptant le CAIRN en 2019, il n'en reste qu'une dizaine. Autre indicateur qui témoigne de cette érosion : sur les 105 000 cairns en circulation en 2019, il n'en reste aujourd'hui que 60 000. De moins en moins de militants y croient.

LES OPPOSITIONS UNANIMES SUR L'ÉCHEC DE L'INITIATIVE 

Sur tous les bancs de l'opposition, il y a eu unanimité lundi pour souligner cet échec. Delphine Bense pour le Modem/Renaissance, Romain Gentil pour les socialistes, même Barbara Schuman du groupe de la girouette Maxence Alloto a osé regretter "que l’expérimentation n’ait pas les résultats espérés" : une prise de position très forte pour ce groupe qui se contente habituellement de se coucher devant la majorité municipale Verts/LFI..

L'intervention d'Alain Carignon en conseil municipal.

ALAIN CARIGNON : "UN PETIT PLAISIR QUE VOUS VOUS FAITES"

De son côté, le président du groupe société civile Alain Carignon a rappelé que ville et métropole ont délibéré pendant des années sur "une lubie", "un petit plaisir que vous vous faites" en persistant encore et toujours malgré l'échec désormais clair et net et irréfutable du projet. "Vous avez des idées baroques comme ça qui ne fonctionnent pas, et vous les maintenez mais ce sont les Grenoblois qui les payent", a-t-il conclu.

"UNE ÉTIQUETTE TROP ALTERNATIVE D'ÉCOLOGIE UN PEU PUNITIVE"

De son côté, interrogé par Place Gre'net suite à ce conseil municipal, Olivier Truche, administrateur de l'association qui porte le CAIRN, y croit encore malgré tout. Même si l'association n'a plus de salarié en l'absence d'aide publique. L'infatigable militant (par ailleurs ancien président de "Go Citoyenneté", officine de gauche grenobloise) reconnait néanmoins que le CAIRN "a été vu de l’extérieur comme quelque chose de très ciblé, avec une étiquette trop alternative, d’écologie un peu punitive, qui restreint la liberté".

ERIC PIOLLE NE VOIT PAS DE PROBLÈME

On est loin de la lucidité d'un Eric Piolle qui lui n'a fait guère de cas de l'échec du CAIRN et n'en tire aucun conclusion. Il a même fanfaronné en expliquant continuer à utiliser cette monnaie pour certains de ses achats... même si curieusement il a cessé de percevoir une partie de son indemnité de Maire en CAIRN, initiative qu'il avait prise et médiatisée juste avant les dernières élections.

"Symboliquement, c’est important que la Ville ne lâche pas ce soutien" a-t-il sobrement résumé au conseil. Mais c'est là tout le problème : ça commence à faire beaucoup de symboles pour la comm' qui se révèlent des naufrages financiers sur le dos des Grenoblois. Et d'autres sont encore à venir comme la sécurité sociale de l'alimentation. Vivement la fin de cette gestion déraisonnable. 

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