Alain CARIGNON à l’ESSOR : « LA DÉLINQUANCE a PRIS le POUVOIR à GRENOBLE »

Dans une interview à "L'Essor" Alain Carignon développe une partie des solutions qu'il propose avec la société civile.  Des propos clairs et vigoureux qui tranchent avec le ronronnement local. A le lire on comprend pourquoi une grande partie de la classe politique locale va le combattre : ses propositions sont en rupture avec les politiques conduites jusque-là souvent sans opposition réelle et parfois un assentiment des élus assez large.

Ayant échoué, il est difficile aux protagonistes de l'admettre et d'adhérer à un programme de rupture permettant d'engager Grenoble sur une autre voie. Décidément le débat municipal devient passionnant: d'un côté la société civile avec Alain Carignon qui veut redresser Grenoble en énonçant des moyens différents, de l'autre peu ou prou tout le reste qui barbotent dans le verbiage habituel et les demi-mesures jamais appliquées. Il n'étonnera personne que Le collectif Grenoble, le Changement ait choisi... le changement.

Q. L'une de vos premières annonces, si vous êtes élu, est de déménager les services publics, comme la mairie, à la Villeneuve. Comment voyez-vous ce déménagement ?

Oui, il y a des HLM vides et il y a besoin de rééquilibrer, en remettant de l'activité. En gros, il faudrait un tiers de logement social, un tiers d'activité et un tiers de copropriété. Mais comme personne ne veut s'installer, il faut commencer par les services publics. Petit à petit, les employés viennent travailler, donnent envie de travailler, consomment sur place. Il faut requalifier ce quartier (mais aussi celui de l'Alma ou Mistral... ), car la politique de la ville a totalement échoué : le quartier Villeneuve figure parmi les 10 les plus problématiques de France. Nous allons  nous fixer des objectifs de sortie de la pauvreté. Il ne s'agit pas de gérer la pauvreté ou de la ghettoïser, mais de donner des chances à chacun de s'en sortir. Enfin, par cette méthode, nous allons  donner plus de pouvoir d'achat aux malheureux qui ont acquis des logements dans ce secteur, pour éviter qu'ils soient spoliés comme aujourd'hui. Un grenoblois qui veut quitter la Bruyère ou la place des Géants a vu la valeur de son bien chuter de 50 % de son prix d'achat. Il est prisonnier. C'est cette politique de gauche qui a produit ces effets désastreux.

Vous qui avez été maire dans les années 1980, vous constatez que la violence a augmenté à Grenoble ?

Si vous lisez les chiffres, Grenoble est la première ville de France en termes de délinquance, devant Marseille. On totalise plus d'agressions violentes que Marseille, pour 1 000 habitants. Plus de vol à la tire aussi. Sur les items les plus graves, nous sommes les premiers. Et sur la baisse de la valeur des biens, on arrive à un recul global de 6,4 % de la valeur. (Grenoble est la première ville de France pour la baisse de la valeur des biens note de GCL)  Cela va être dur pour la municipalité actuelle de présenter ce bilan. Quand vous faites la liste, c'est un bilan qui mérite à minima d'être discuté !

« Dans notre projet, les partis politiques sont ultra-minoritaires »

Alors comment régleriez-vous les problèmes de sécurité que vous évoquez ?

Cela passe par la police municipale armée et la vidéo-surveillance, mais cela n'a rien d'original. Cela passe par les brigades canines, par un PC opérationnel d'intervention (24h sur 24) des amendes pour les dealers logés chez les bailleurs sociaux, par des procédures d'expulsion pour ceux qui organisent la délinquance, mais aussi par le signalement des grosses cylindrés dans les quartiers aux services fiscaux. C'est un ensemble complet dont nous avons besoin pour faire reculer les mafias, qui ont terriblement progressé notamment dans l'économie tout court. Et cela devient dangereux pour la ville.

Vos deux derniers essais pour atteindre le poste de maire se sont soldés par des échecs, notamment à cause de tension interne au LR. Les choses sont apaisées aujourd'hui ?

Pour l'instant, les embrouilles sont à gauche. Qu'est ce que l'extrême gauche fera avec Eric Piolle ? Il y a la situation du parti socialiste aussi… en ce qui me concerne, il ne s'agit pas d'élire un parti politique à la mairie. La situation de la ville est très tendue et je ne serais pas là si la société civile grenobloise, des présidents d'union de quartier, des unions commerciales et les personnes de la vie associative n'avaient pas dit : « il faut que nous requalifiions et que nous reconstruisions ensemble cette ville.» La société civile, qui veut reconstruire Grenoble, ne serait pas là pour installer un parti politique. Son objectif n'est pas de remplacer le dogme de M. Piolle par un autre. Dans notre projet, les partis politiques sont ultra-minoritaires et la société civile m'a choisi du fait de mon expérience, de mon énergie et de ma capacité à être opérationnel rapidement pour faire face au sujet. En premier lieu la lutte contre la délinquance qui a pris le pouvoir à Grenoble. Cela va demander beaucoup de courage pour lutter contre. Pour ces raisons, on m'a demandé d'animer cette équipe. Nous nous préparons et travaillions, nous voyons et associons les Grenoblois aux démarches. Tout le reste n'a aucun intérêt.

« Les Grenoblois ne veulent pas de Mélenchon ou de Wauquiez à la mairie. Ce ne sera pas le critère »

Renieriez-vous votre attachement aux LR dans ce cas ?

Je suis gaulliste depuis 1968, et je n'ai pas changé, comme mes opinions et mon engagement politique. Les Grenoblois savent de quoi je parle. Moi, quand j'ai été élu RPR, ce n'était pas la mode. J'avais déjà fait la même analyse et dans ma liste, j'avais déjà ce que l'on appelait pas encore la « société civile ». Les Grenoblois ne sont pas appelés à  élire Mélenchon ou  Wauquiez à la Mairie. Ce ne sera pas le critère.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi vos erreurs passées, cette expérience de la prison, vous ont été bénéfiques et vous aiderait à gérer la ville ?

C'est une passion pour Grenoble. Si la ville se portait bien, et si la société civile ne se mobilisait pas, je ne serais pas là. C'est aux Grenoblois de décider. Ils connaissent mon itinéraire qui est fait de forces, de faiblesses, de fautes et d'aspects positifs. C'est l'itinéraire d'un homme, d'une vie longue, et cela a produit une expérience. Je juge que mon énergie et mon expérience peuvent être utiles, car elles sont opérationnelles dans les difficultés de Grenoble. Si j'étais seul à le penser, cela n'aurait aucun intérêt.

Pourtant, certains élus en place expliquent que la dette de la Ville s'est particulièrement alourdie lors de votre passage à la mairie de Grenoble...

Pour la hausse de la dette en 1995, il y a deux facteurs. Nous avons fait des emprunts pour faire des investissements, mais nous n'avons jamais augmenté les impôts, car nous avons maîtrisé les dépenses de fonctionnement. La gauche ne l'a jamais fait. Le rapport de la Cour des comptes explique que la dette de la Ville est de 1 700 € par habitant. Moi, je l'ai laissé à 30 ou 40 % de moins. Mais pourquoi cette dette de 1995 a-t-elle augmenté ? Pourquoi l'équipe en place n'a-t-elle pas augmenté les impôts pour y faire face ? Il a fallu attendre 2009 pour que les impôts augmentent et depuis, nous sommes la première ville sur impôt sur les ménages. Et nous le sommes restés. La gestion dénoncée par la Cour des comptes n'est pas la mienne, c'est le bilan de la gauche et des Verts, alliés d'Eric Piolle, qui ont gouverné pendant 13 ans avec Michel Destot.

« L'écologie de M. Piolle est de la fausse écologie »

Vous dites vouloir faire de l'écologie tout en ménageant l'économie. Comme pensez-vous parvenir à ce résultat ?

Tout d'abord, l'écologie de M. Piolle est de la fausse écologie. Le bilan est catastrophique, la pollution a augmenté de 15 % d'après les chiffres de Air Rhône Alpes (devenu Air Atmo, NDLR). Il a réalisé des reports de circulation qui créent des embouteillages. Ensuite, il y a des autoroutes à vélo qui sont disproportionnées et qui créent des embouteillages et de la pollution, comme dans la rue Casimir-Brenier, par exemple. Lorsque j'étais au Conseil départemental, j'ai créé les pistes cyclables départementales, j'ai veillé aussi que le pont d'Oxford soit muni de pistes pour vélos. Mais aujourd'hui, on est arrivé à 4 % de la part modal des déplacements en vélo, alors que l'objectif était de 10 % en 2020. C'est donc un échec. Le pragmatisme implique de prendre en compte cela. Surtout, il n'y a pas d'organisation et de prise en compte de la mixité des déplacements, sans prise en compte des familles, des professions libérales, ou des artisans. Ceux qui travaillent et qui ont parfois besoin d'une voiture. On peut être en vélo, piéton, emprunter les transports en commun et être utilisateur de la voiture, tout cela dans la même journée. Je suis pour que la ville soit mixte et accessible. Sinon, on exclut des populations, et on la ghettoïse avec des types de populations.

Quant à l'élargissement de l'A 480, dont les travaux se profilent à l'horizon, quelle est votre position ?

Si l'on regarde la carte d'Air Rhône-Alpes, la première source de pollution, ce sont les deux bouchons de la rocade sud et de l'A480, créés par la gauche et les Verts, qui n'ont rien fait depuis 20 ans. Ce sont eux qui polluent la population. S'ils avaient répondu aux besoins et élargi l'autoroute, nous aurions moins de pollution. Alors Eric Piolle est contre l'élargissement de l'A480 dans ses engagements (ce que contredit l'intéressé dans son engagement 55 NDLR). Mais, de façon pitoyable, il finit par voter l'élargissement de l'A480. C'est Area qui va financer les travaux en augmentant les péages. C'est glorieux ? Maintenant qu'il est pris à la gorge, que des centaines de milliers de voitures arrivent dans cet entonnoir, les travaux engagés devraient se terminer en 2022, alors qu'ils auraient du être achevés  en 2002. Et puis, les élus ont urbanisé  Bouchayer-Viallet, et ailleurs alors qu'il est interdit de construire en bordure des axes pollués. Propos recueillis par Jean-Baptiste Auduc

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